La Plume Culturelle

« Le retour des cowboys »… en Lorraine, façon Sinse­mi­lia !

Deux passages dans la région en moins d’une semaine, le groupe Sinse­mi­lia gâte la Lorraine par sa présence. Après un concert unique à l’Autre Canal à Nancy, le mois dernier, le groupe greno­blois a joué pour un soir, le 4 mars dernier, à la Passe­relle de Florange, des morceaux choi­sis de son dernier album et des morceaux phares des précé­dents opus.

La Plume Cultu­relle : Sinse­mi­lia existe depuis 18 ans. Comment expliquez-vous cette longé­vité artis­tique ?

Sinse­mi­lia : C’est un ensemble de petites choses qui consti­tue cette longé­vité. D’une part, pour la plupart d’entre nous, nous étions amis avant de jouer de la musique tous ensemble, ce qui permet de construire notre forma­tion sur de bonnes bases. D’autre part, au fil des années, nous avons essayé d’ap­pliquer à notre groupe des valeurs qui nous tiennent à cœur. Comme le respect de l’autre, l’écoute de l’autre et même le plai­sir de faire des conces­sions pour l’autre, ce qui fait qu’hu­mai­ne­ment, c’est un réel plai­sir de conti­nuer l’aven­ture. L’ami­tié, il faut en prendre soin. Main­te­nant, que la rela­tion avec le public dure depuis autant d’an­nées, nous ne l’ex­pliquons pas. Peut-être pour notre sincé­rité ? Peut-être par ce que ce que nous faisons, cela vient du cœur ?

LPC : Comment l’aven­ture a-t-elle débuté ?

S : Dans une chambre, nous étions quelques-uns passion­nés de reggae et nous nous retrou­vions chaque soir pour en écou­ter. Puis ado, tu te rends compte que si tu connais deux accords de guitare, tu peux jouer des morceaux de Bob Marley. Puis avec une autre guitare, ton pote peut faire la basse pendant que le troi­sième chante dessus. Au départ, cela n’a été qu’un délire. Puis de la chambre, on est passé au local où nous avons fait un petit concert. Là encore, on pensait avoir fait le concert de notre vie. A la base, jamais on n’au­rait imaginé un quart de tiers de seconde la moitié du parcours qu’on vient de faire. Pour nous, c’est du bonus depuis le début.

LPC : S’ap­pe­ler Sinse­mi­lia et avoir nommé son premier opus « 1ère récolte », cela vous a-t-il joué des tours ?

S : Non pas vrai­ment, mais l’image que les gens se sont faite de nous vient peut-être de là. Sur les six albums, il n’y a que deux morceaux qui traitent le sujet de l’herbe dont un aux anti­podes de l’apo­lo­gie. Ensuite le nom du groupe nous a quelque peu cata­lo­gués comme « gros fumeurs qui n’ont que ça à dire » alors que cela ne corres­pond pas à ce que nous sommes. Et puis quand nous avons choisi le nom de Sinse­mi­lia, nous n’avions que seize ans dans une chambre avec les potes. A l’époque, on n’avait pas envi­sagé un tel parcours sinon nous pensons que nous aurions réflé­chi un peu plus que… vingt secondes. Main­te­nant, nous y sommes atta­chés et puis nous le trou­vons joli, et nous ne faisons même plus le rappro­che­ment avec la fume.

LPC : Y a-t-il eu une période avant et après le succès de « Tout le bonheur du monde » et de l’al­bum ? Comment avez-vous géré cela ?

S : En toute fran­chise, il n’y a pas eu pour nous de grosses diffé­rences entre un avant et un après « Debout les yeux ouverts ». D’ac­cord, nous avons été énor­mé­ment diffu­sés sur la bande FM, mais nous pendant ce temps, nous étions en tour­née. D’ac­cord pour le public, « Tout le bonheur du monde », c’est Sinse­mi­lia qui l’a inter­prété. Mais pour nous, rien n’a changé. Nous sommes trop connec­tés avec la réalité pour que cela nous perturbe outre mesure. Pour preuve, nous vivons à Grenoble avec nos amis qui sont commerçants, chômeurs, insti­tu­teurs, etc… et pas dans les soirées VIP à Paris. Et puis nous ne sommes pas passés d’un petit groupe qui vend peu de titres à un groupe qui explose les ventes, nous étions déjà disque d’or sur les précé­dents albums.

LPC : Comment expliquez-vous le passage du tout reggae de vos débuts au style musi­cal plus varié d’aujourd’­hui ?

S : Nous l’ex­pliquons par le fait que nous prenons plai­sir à jouer de la musique. Nous avons commencé par amour du reggae mais ensuite nous avons évolué sans nous deman­der si c’était assez reggae ou non. Et s’il y a un morceau qui sonne bien et qui s’écarte du reggae pour deve­nir du rock ou de la chan­son, eh bien il y a le plai­sir de le faire. Nous avons toujours fait le choix de ne jamais se mettre de barrières dans un domaine où nous sommes plutôt libres. Alors, on se promène.

LPC : Pourquoi avoir attendu 5 ans pour sortir « En quête de sens » ?

S : Il y a déjà eu une longue tour­née de deux ans et demi pour l’al­bum « Debout les yeux ouverts ». Puis durant un an, nous avons fait un break pour prendre du recul les uns par rapport aux autres dans le domaine musi­cal pour retrou­ver une certaine fraî­cheur, une certaine envie. Donc, chacun s’est consa­cré à des projets en paral­lèle. Ensuite, il y a eu un an de prépa­ra­tion pour le dernier opus ce qui fait qu’au bout du compte, cinq ans, cela passe vite.

LPC : titres « J’ai honte », « 5 ans » ou « Le retour des cowboys » proposent un reflet de la société actuelle. L’ac­tua­lité vous inspire toujours autant ?

S : Malheu­reu­se­ment oui. Il y a une grosse moitié de l’al­bum qui parle de nous et qui reste à hauteur humaine avec des titres comme « C’est déjà ça », « Le dernier concert », « Le silence ». Mais nous ne vivons pas dans une bulle, nous avons les pieds sur terre. Dans la société où nous vivons, il y a des sujets qui nous inter­pellent et concer­nant lesquels nous ne pouvons pas passer outre, alors nous l’ex­pri­mons. Nous aime­rions écrire un jour un opus avec seule­ment des chan­sons d’amour mais ce n’est pas ce que nous ressen­tons profon­dé­ment pour l’ins­tant.

LPC : Est-ce une façon pour vous de résis­ter face au pouvoir poli­tique en place ?

S : Non, nous n’avons pas cette préten­tion-là. Sincè­re­ment. C’est juste un besoin de nous expri­mer, de ne pas bais­ser la tête et de ne pas caution­ner par le silence. C’est au-dessus de nos forces ! Lorsque nous avons écrit « J’ai honte », nous savions qu’il y aurait une partie du public, qui avait décou­vert Sinse­mi­lia par « Tout le bonheur du monde », qui rejet­te­rait le titre parce que ces gens sont de droite et qu’ils ne savent pas que Sarkozy, ce n’est pas pour nous !

LPC : chan­sons n’ont plus du tout comme titre le nom de certains hommes poli­tiques comme dans le précé­dent album ? Vous mettez de l’eau dans votre vin ?

S : Non, c’est le contraire. Même si « Bien­ve­nue en Chiraquie », ça tirait sur Chirac, il y avait une notion de jeu, quelque chose de souriant. Actuel­le­ment, les gens au pouvoir ne nous font plus du tout sourire. Nous ne voulions pas parler de ces personnes sur douze morceaux. Tout se résume dans « J’ai honte ». Nous trou­vons que la période est plus dure et plus glauque et que la France touche le fond comme jamais nous ne l’avons connu. Alors cela déteint sur nos textes.

LPC : On vous colle l’étiquette de groupe engagé et mili­tant, cela ne devient-il pas ringard à force ?

S : Complè­te­ment, et en plus, c’est une étiquette que nous n’ai­mons pas et que nous n’ac­cep­tons même pas. C’est beau­coup trop sérieux le mili­tan­tisme et l’en­ga­ge­ment. Il y a des gens qui s’ar­rachent sur le terrain pour faire avan­cer les choses et qui le font béné­vo­le­ment. Nous, nous gagnons nos vies avec nos chan­sons… de bien petites chan­sons. Nous ne savons pas ce que c’est un groupe mili­tant. J’ai vu Zebda mili­tant quand il s’est investi concrè­te­ment en poli­tique, quand il est passé à l’acte sinon, je n’en connais pas d’autre.

LPC : En inti­tu­lant le dernier morceau de votre album « Le dernier concert », vous atten­diez-vous à ce que les médias et vos fans vous demandent à chaque fois si vous comp­tiez arrê­ter le groupe ?

S : Oui, nous savions qu’en écri­vant le morceau, la ques­tion serait posée d’une façon récur­rente. Mais il n’y a pas de message caché. Lorsqu’on écrit une chan­son, on ne pense pas aux fans, ni comment ils vont l’en­tendre et l’in­ter­pré­ter. Nous vivons un truc merveilleux et nous savons qu’un jour où l’autre, cela va s’ar­rê­ter et le texte est juste né de cela. C’est un moyen pour nous d’abor­der un sujet que nous avons du mal à évoquer entre nous. Un peu comme dans un couple, le sujet du décès de l’un ou l’autre conjoint demeure tabou. On n’en parle pas mais on sait que cela arrive. Mais pour le moment, la fin de Sinse­mi­lia… ce n’est pas d’ac­tua­lité !


Article publié le 7 mars 2009 dans le bimé­dia lorrain La Plume Cultu­relle.

Photo : ©LPC|JML – Sinse­mi­lia le 4 mars dernier à la Passe­relle de Florange devant un public enthou­siaste.


 

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