La Plume Culturelle

Un opus unique en son genre par le substan­tif coloré « Rougge »

La Plume Cultu­relle propose depuis janvier une rubrique desti­née aux artistes mécon­nus d’une grande partie du public ou trop peu média­ti­sés. Avec passion, ils parti­cipent à l’en­ri­chis­se­ment cultu­rel de la Lorraine et nous les mettons à l’hon­neur. Béné­fi­ciez de l’in­te­rac­ti­vité d’In­ter­net pour décou­vrir un aperçu de leurs œuvres sous forme de son ou de vidéo. Frédé­ric Char­rois, alias Rougge, se carac­té­rise par l’ori­gi­na­lité musi­cale car on ne peut le cata­lo­guer. Au piano, l’ar­tiste nancéen ne prononce pas de paroles, mais il émet des sons mélo­dieux qui produisent dans sa musique un effet d’har­mo­nie supplé­men­taire.

La Plume Cultu­relle : Comment a débuté ta carrière musi­cale ?

Rougge : À l’âge de six ans, mes parents m’ont inscrit dans une école de musique car ils trou­vaient que je chan­tais bien et j’ai donc appris la guitare clas­sique. Puis ado, je me suis mis à la guitare élec­trique pour jouer dans de nombreux groupes avec les copains. A cette époque, j’ai décou­vert le plai­sir du chant notam­ment à travers les groupes comme Pink Floyd, Deep Purple ou Zeppe­lin, un peu loin de ce que je fais aujourd’­hui. Alors il y a eu les compo avec les potes avec lesquels on tour­nait dans les MJC ou dans les bars mais au bout d’un certain temps, j’ai saturé et je souhai­tais expé­ri­men­ter d’autres hori­zons et passer à autre chose. Alors au moment où je partais pour Liver­pool, il y a six ans, je me suis mis au piano et c’est là que l’aven­ture a commencé pour Rougge.

LPC : Comment as-tu choisi ton nom de scène « Rougge », a-t-il une signi­fi­ca­tion parti­cu­lière ?

R : Aucune signi­fi­ca­tion parti­cu­lière pour le nom. J’ai cher­ché quelque chose qui me plai­sait au niveau des sono­ri­tés et des conno­ta­tions, j’aime beau­coup le rouge, qui est la couleur de la vie, de la mort, de l’éro­tisme mais aussi de la révolte. Je le trouve porteur de multiples sens. Alors on me demande très souvent le pourquoi des deux « G ». Je ne souhai­tais pas que le nom soit commun comme la couleur, un simple adjec­tif mais plutôt comme un nom propre, un substan­tif. Ça lui donne une sorte de parti­cu­la­rité, une iden­tité en quelque sorte qui s’est impo­sée natu­rel­le­ment.

LPC : « Rougge » pour­rait être assi­milé à un groupe, pour­tant tu chantes seul. Pourquoi n’avoir pas utilisé ton patro­nyme ?

R : Je voulais créer une distance entre moi et ma musique qui est si mysté­rieuse et atypique. Celles et ceux qui me connaissent un peu dans la vie de tous les jours sont parfois surpris car il y a un déca­lage entre ma personne et les mélo­dies si parti­cu­lières que je joue. Et puis je n’ai pas envie non plus de me mettre en avant en tant qu’in­di­vidu, mais plutôt que ce soient mes compo­si­tions qui puissent l’être. J’ai besoin de cette disso­cia­tion entre le quoti­dien et mes acti­vi­tés artis­tiques.

LPC : Tu as joué dans divers groupes pop-rock avant de t’orien­ter vers la musique clas­sique et le piano, pourquoi un tel revi­re­ment dans le style musi­cal ?

R : J’ai été plus influencé par les voix comme par exemple celle d’Ian Gillan de Deep Purple, de Thom Yorke de Radio­head ou d’Antony and the John­sons que par la musique clas­sique à propre­ment parler. Le piano est venu comme un élément natu­rel sur la voix et non pas comme un retour vers la musique clas­sique. Bien au contraire, il y a une certaine conti­nuité dans mon travail car c’est le chant qui m’a porté. Et puis de toute façon, la manière dont je joue n’est pas très clas­sique, il faut le dire.

LPC : Alors quel nom donne­rais-tu à ton style musi­cal ?

R : C’est extrê­me­ment diffi­cile d’avoir une réponse. J’avais essayé à une époque et à travers mon blog de deman­der l’avis des inter­nautes sur ce que je faisais car pour moi, c’est très diffi­cile de décrire mon travail : ce n’est pas de la chan­son, ce n’est pas du jazz et encore moins du clas­sique. Alors voilà, on n’a pas réussi à me mettre une étiquette et puis de toute façon, ce n’est pas très impor­tant. Il y a une phrase de la chan­teuse Björk que j’aime beau­coup et qui dit « peu importe le style, ce qui importe dans la musique c’est la sincé­rité ».

LPC : « Frag­ments » est ton premier album, peux-tu nous le présen­ter ?

R : Ce sont onze morceaux qui réunissent le piano et le chant mais sans paroles, juste accom­pa­gnés par ma voix dont les inflexions me viennent en tête, et que j’ai pensés comme un ensemble, un tout. Ce qui est para­doxal, par rapport au nom de l’opus qui est « Frag­ments ». Je consi­dère que chaque mélo­die est un moment parti­cu­lier dans le temps et que les frag­ments se complètent pour former un tout. On peut consi­dé­rer cela comme du chant semi-impro­visé même s’il y a une trame harmo­nique et mélo­dique mais ce n’est jamais exac­te­ment iden­tique. Ensuite, chacun d’entre nous peut inter­pré­ter mes mélo­dies à sa façon. Il n’y a pas d’his­toire, juste des mélo­dies qui s’im­briquent les unes dans les autres.

LPC : À aucun moment de tes morceaux, tu ne chantes des paroles mais tu accom­pagnes le piano au son de ta voix. Pourquoi un tel procédé ?

R : Pour avoir une vraie liberté et ne penser à rien pendant que je chante et que je joue du piano. Le plai­sir de ne ressen­tir que des sensa­tions grâce à la musique. C’est assez indi­cible, mais au fond c’est le but, avoir l’es­prit libre. Le son de ma voix n’est autre que la conti­nuité des notes jouées sur le piano. Un dialogue entre l’ins­tru­ment et mes cordes vocales. D’ailleurs, je ne me vois pas du tout utili­ser autre chose que le piano. Et puis le côté impro­vi­sa­tion me plaît égale­ment. Un jour, je peux varier la ligne mélo­dique en la commençant un peu plus tôt ou plus tard, plus haut ou plus bas, et le fait qu’il n’y ait pas de paroles me permet d’in­ten­si­fier l’acte.

LPC : Comment l’idée t’est-elle venue de procé­der de cette façon ?

R :C’est venu assez natu­rel­le­ment. Pour l’anec­dote, ça m’ar­ri­vait de chan­ter et de ne plus du tout me souve­nir des paroles des chan­sons, et je trou­vais très agréable de ne plus y penser. Et puis comme beau­coup de compo­si­teurs, tu t’oc­cupes d’abord de la mélo­die, puis après coup des paroles, et un jour je me suis demandé pourquoi vouloir rajou­ter des mots d’une façon assez arti­fi­cielle, alors que je n’y avais d’abord pas pensé, ou que je n’avais ni histoire à racon­ter ni message à parta­ger.

LPC : Recherches-tu ainsi l’ex­pé­ri­men­ta­tion et l’in­no­va­tion dans une direc­tion musi­cale inédite ?

R : Dire que j’in­nove serait de ma part un peu préten­tieux. De toute façon, je ne suis pas le seul à procé­der de la sorte et j’ai décou­vert d’autres artistes qui ont la même démarche que moi. Mais ce qui est sûr, c’est que je désire que ma façon de jouer reflète mon iden­tité musi­cale. C’est-à-dire que pour moi Rougge, c’est piano chant sans paroles. D’ailleurs, je réflé­chis à un deuxième album sur le même prin­cipe, mais en plus, en colla­bo­ra­tion avec d’autres musi­ciens.

LPC : Quelles ont été les condi­tions et les moyens pour enre­gis­trer ton album ?

R : J’ai enre­gis­tré l’in­té­gra­lité de l’al­bum chez moi, dans mon home studio avec l’aide de quelques tech­ni­ciens que je connais. En revanche, la dernière phase, qui est le maste­ring, je l’ai réali­sée en ligne dans un studio londo­nien. Le procédé a de plus en plus cours de nos jours : envoyer sa musique puis la rece­voir maste­ri­sée. L’ab­sence de paroles permet de ne pas présen­ter d’obs­tacle cultu­rel ou de compré­hen­sion ; et qu’une autre oreille profes­sion­nelle, venue d’outre-Manche, puisse entendre mon travail et appor­ter un point de vue exté­rieur, cela a été très enri­chis­sant. Puis, je me suis auto­pro­duit et enfin, j’ai trouvé un éditeur pari­sien avec lequel j’ai signé pour diffu­ser l’al­bum.

LPC : Peux tu nous expliquer ce qu’est le projet « Glas­so­vir » avec le musi­cien germano-hongrois Marko Meles ?

R : Tout d’abord, j’ai appris le piano tout seul et je souhai­tais appro­fon­dir mes connais­sances avec un profes­seur qui pouvait m’ai­der, et c’est de là que j’ai rencon­tré Marko Meles. Nous avons ressenti des affi­ni­tés et par la suite nous sommes deve­nus des amis. Alors « Glaso­vir », qui provient du croate, veut dire piano et étymo­lo­gique­ment signi­fie « d’où sortent les voix ». Alors on a décidé de mettre égale­ment deux consonnes en clin d’œil à Rougge. Donc, le projet Glas­so­vir va se dérou­ler en deux parties : la première, où Marko Meles va jouer un réper­toire proche du mien, durant une demi-heure avec trois œuvres : Memo­ra­bi­lia de Bogda­no­vic, Etude op. 42 n. 5 de Scria­bine et Prélude, chorale et fugue de Franck. Pour la seconde, je vais inter­pré­ter mes œuvres durant quarante-cinq minutes. Les premières dates ont été fixées en mai 2009 où nous joue­rions 8 concerts durant 15 jours au « Petit Théâtre, dans la ville… », à Nancy.

LPC : Enfin quels sont tes prochains projets artis­tiques ?

R : D’une part, déve­lop­per le projet Glas­so­vir en recher­chant des salles ou des struc­tures cultu­relles qui pour­raient nous accueillir. D’autre part diffu­ser davan­tage mon premier album et enfin prépa­rer le deuxième album dans ma tête.


Article publié le 19 novembre 2008 dans le bimé­dia lorrain La Plume Cultu­relle.

Photo : © LPC|(Montage de la rédac­tion) – Rougge.


 

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