La Plume Culturelle

L’in­té­gra­tion sociale et profes­sion­nelle par le théâtre

Depuis 1988, sous la houlette de Philippe Voive­nel, le Théâtre de la Seille, basé à Metz, allie l’in­ser­tion profes­sion­nelle et sociale avec le théâtre. 20 ans pendant lesquels ce lieu, poumon de la diver­sité au sens large et noble du terme, a réussi à faire coexis­ter en son sein le monde du spec­tacle et du travail.

L’aven­ture commence un beau jour de l’an­née 1988 : Philippe Voive­nel, comé­dien au chômage, décide de monter un projet ambi­tieux qui, 20 ans après, demeure un exemple de réus­site dans la région messine : l’in­ser­tion profes­sion­nelle et sociale de personnes en diffi­culté grâce au monde du théâtre. « Le théâtre réunit l’ar­tis­tique et l’ar­ti­sa­nat et permet de faire conver­ger toutes les compé­tences dans un projet profes­sion­nel ou artis­tique », déclare Philippe Voive­nel, direc­teur de la struc­ture depuis la créa­tion du Théâtre de la Seille. « Tous les corps de métiers du bâti­ment sont présents dans le théâtre, on emploie égale­ment des inter­mit­tents du spec­tacle sans oublier les inter­prètes ». Temps mort. Le metteur en scène et comé­dien reprend son souffle, lance un regard mali­cieux puis rajoute à ses propos, avec une gestuelle désin­volte mais travaillée et d’une voix écla­tante : « Alors dites-moi voir parmi les gens qui sont au chômage, s’il y en a un seul qui peut me dire : ‘‘ dans tout ce que vous me propo­sez-là, monsieur, comme projet d’in­ser­tion, je ne sais rien faire !’’ »

Le Théâtre de Seille a vu son histoire commen­cer comme un conte. La petite troupe répète et se forme dans un simple garage, au collège de La Louvière à Marly avec la compli­cité bien­veillante de Guy Burkhart, complice artis­tique de trente ans pour Philippe Voive­nel, mais égale­ment Président du théâtre d’Eau­vive et Prin­ci­pal de l’éta­blis­se­ment scolaire, récem­ment disparu d’un infar­c­tus. De petites pièces seront jouées dans Metz et les envi­rons par des amateurs qui donne­ront le meilleur d’eux-mêmes. Le théâtre leur entrouvre la porte de l’in­ser­tion en y ajou­tant la recon­nais­sance de leur effort. Puis, le succès est au rendez-vous. Le Conseil Géné­ral de Moselle subven­tionne le théâtre pour son travail, qui permet le retour à l’em­ploi d’en­vi­ron 30% des personnes envoyées par l’ANPE. Enfin la struc­ture emmé­nage dans les locaux plus ambi­tieux de la rue de la Poulue, à Metz, dans une salle qui permet d’ac­cueillir à chaque séance une centaine de spec­ta­teurs. Des milliers y viennent chaque année pour se réga­ler des diffé­rentes pres­ta­tions des troupes présentes.

Aujourd’­hui, les moyens en compé­tences et le succès sont tels que les deux troupes théâ­trales qui existent en son sein peuvent jouer sur tout le terri­toire natio­nal. Le Théâtre de la Seille propose au public des pièces connues, et pas des moindres : Le conte d’hi­ver de Shakes­peare, Loren­zac­cio de Musset, Électre de Girau­doux ou Le malade imagi­naire de Molière mais aussi Le tour­niquet de Victor Lanoux ainsi que ses propres produc­tions. « On crée une pièce en dix semaines, douze au maxi­mum » explique Philippe Voive­nel. « Pourquoi ? Parce que les compa­gnies profes­sion­nelles ne mettent pas davan­tage de temps. J’y tiens, à ce profes­sion­na­lisme. » précise-t-il en indiquant que le Théâtre de la Seille est à la fois un espace de créa­tion et de diffu­sion. Auto­nome, la compa­gnie possède ses propres ateliers de costumes, d’ac­ces­soires ou de décors. « Nous n’avons pas à rougir de ce que nous faisons, bien au contraire ! » ajoute fière­ment Philippe Voive­nel.

Après un dépôt de bilan en 2002 causé par une restric­tion des subven­tions publiques, le Théâtre de la Seille a su s’adap­ter, mais il a béné­fi­cié toute­fois d’un appui et d’un soutien non négli­geable de la part de certains parte­naires tels que le Conseil Géné­ral de Moselle ou le Conseil Régio­nal de Lorraine. Cepen­dant Philippe Voive­nel ne cache pas les diffi­cul­tés qui existent pour finan­cer un théâtre : « au temps de Molière, on avait du mal à le finan­cer, mais je vous rassure, au temps de Sarkozy, c’est iden­tique », dit-il ; et de renché­rir : « Sous Mitter­rand, c’était la même chose ! Le théâtre dérange par sa capa­cité spéci­fique à réunir des milieux profes­sion­nels et des classes sociales très diffé­rents les uns des autres » assure l’in­té­ressé qui refuse que son théâtre soit assi­milé à un super­mar­ché de la culture. Il se consi­dère comme un résis­tant à la tech­no­cra­tie cultu­relle qui consis­te­rait à sépa­rer, pour des raisons finan­cières, le cultu­rel avec un grand ‘‘ C ’’ et le social avec un petit ‘‘ S ’’. Aujourd’­hui, 75 personnes travaillent au 11 rue de la Poulue.

Philippe Voive­nel aime l’in­no­va­tion et s’at­telle à un concept origi­nal qui consis­te­rait à faire jouer à ses comé­diens de petites pièces à la carte dans les restau­rants de la région, sans décors et au milieu des tables, pendant que les gens mangent. Une idée fort sympa­thique qui permet­trait au public de décou­vrir le théâtre. Après tout, si le public ne vient pas au théâtre, le théâtre vien­dra à lui.


Article publié le 5 juin 2008 dans le bimé­dia lorrain La Plume Cultu­relle.

Photo : © LPC|JML – Philippe Voive­nel, le direc­teur du théâtre de la Seille.


 

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