La Plume Culturelle

Inter­view : la compa­gnie Rouges Gorges se dévoile

La Plume Cultu­relle a rencon­tré deux des trois membres compo­sant la compa­gnie Rouges Gorges qui joue le spec­tacle Paris est un village. Fabrice Facci­ponte et Françoise Markun ont bien voulu jouer au jeu des ques­tions avec brio, bonne humeur et dans la convi­via­lité afin que nous les connais­sions un peu mieux. 

La Plume Cultu­relle : Comment s’est faite la rencontre entre les membres de la compa­gnie Rouges Gorges?

Fabrice Facci­ponte : Au départ c’est l’his­toire d’une grande amitié entre Serge et moi. Nous nous connais­sons depuis long­temps et nous avions déjà travaillé ensemble dans le secteur de la jeunesse. Un jour, Serge a décidé de se mettre aux contes et de monter un spec­tacle explo­rant le monde de Paris, en mélan­geant les genres et les styles, et notam­ment en incluant l’ac­cor­déon. Il faut savoir que cet instru­ment n’est pas né à Paris mais que la capi­tale se l’est appro­prié. Alors comme je suis musi­cien et que j’en jouais, Serge m’a tout natu­rel­le­ment proposé de le rejoindre. Puis nous avons cher­ché une chan­teuse et nous avons trouvé Virgi­nie en 2001. Malheu­reu­se­ment pour nous, Virgi­nie a décidé de lais­ser de côté le spec­tacle pour jouer au théâtre en tant que comé­dienne. Alors il a fallu recru­ter une autre personne et Françoise a accepté de nous rejoindre. Il faut dire que je la connais­sais et que nous travail­lions à cette époque sur un autre projet musi­cal.

LPC : Pourquoi avoir appelé votre compa­gnie Rouges Gorges ? Y-a-t-il une signi­fi­ca­tion parti­cu­lière ?

Françoise Markun : On aime bien quand c’est un peu rouge (rire) et surtout lorsque les idées auxquelles ont croit le sont tout autant.

FF : Oui c’est un peu notre couleur, c’est un peu vers là qu’on va. Par exemple, dans notre spec­tacle, il y a une chan­son de Renaud qui raconte l’his­toire des bour­geois qui s’em­parent des villes et chassent les pauvres dans les banlieues. Et comme on aime parti­cu­liè­re­ment cette mélo­die et que nous chan­tons grâce à nos gorges, on s’est dit « pourquoi ne pas intro­duire un paral­lèle entre les idées rouges et nos gorges de chan­teurs. » Cela semblait logique et bien.

LPC : L’idée de monter un spec­tacle sur un Paris imagi­naire et popu­laire, mêlant contes, chan­sons et poèmes, comment vous est-elle venue ?

FF : Françoise n’était pas encore avec nous à cette époque. Tout à commencé lorsque Serge a eu l’en­vie d’ex­plo­rer un univers urbain et pas forcé­ment moderne comme New-York. Paris a une autre histoire, bien plus ancienne, et donc on peut trou­ver dans la nais­sance de la capi­tale l’évo­lu­tion de la société. Pour ma part, j’avais vrai­ment envie de faire appa­raître un élément supplé­men­taire, celui de la margi­na­lité dans Paris. Par exemple, on dit que Paris est la ville la plus riche de France et par consé­quent celle où il y a le plus de pauvres. De cette façon nous abor­dons des sujets qui nous inté­ressent, en parti­cu­lier le thème de la pauvreté.

LPC : Mais les carac­té­ris­tiques que vous avez déve­lop­pés sur Paris, n’au­riez-vous pas pu les retrou­ver dans une ville comme Metz ou Nancy ?

FM : Oui mais en même temps, Paris a pratique­ment les mêmes carac­té­ris­tiques que les autres villes de France, avec même une histoire peut-être encore plus ancienne ; et puis on retrouve un petit quelque chose de chaque ville dans Paris.

FF : Paris c’est un peu la quin­tes­sence des villes ; en même temps si je demande à quelqu’un de citer trois capi­tales ou trois grandes villes dans le monde, il citera Paris comme New-York ou Londres. D’ailleurs Serge m’a raconté une anec­dote sur Paris : lorsque la capi­tale a été libé­rée en 1944, les cloches des églises ont sonné de Rio de Janeiro à Jéru­sa­lem, car la libé­ra­tion de la ville revê­tait pour les gens une grande impor­tance.

LPC : En décou­vrant votre spec­tacle, on a l’im­pres­sion que vous avez la nostal­gie d’un Paris disparu. Alors est-ce une rencontre ratée avec la capi­tale lorsque vous étiez plus jeune, ou bien dési­rez-vous « possé­der » Paris à chaque repré­sen­ta­tion, et en suppri­mant les incon­vé­nients de la vie pari­sienne ?

FM : On n’uti­lise pas le mot nostal­gie. Et d’ailleurs cela a été l’objet de plusieurs débats entre nous, cette nostal­gie d’un Paris ancien. Il est vrai que très souvent, le public fait l’amal­game : en venant voir Paris est un village, il s’ima­gine qu’il va entendre les vieilles chan­sons de Paris. Et pas du tout ! Aujourd’­hui, il y a des gens qui vont à Paris pour visi­ter les égouts ou les cata­combes. Eh bien ! Le spec­tacle, c’est nos égouts et nos cata­combes à nous… (Rire) Bon, l’image comme je vous la présente ne donne pas au spec­tacle une note très relui­sante ; mais nous essayons d’ex­plo­rer une autre facette de Paris. Si par exemple on est à Belle­ville-Ménil­mon­tant, on va y mettre en valeur plutôt le monde ouvrier d’au­tre­fois, car de nos jours les ouvriers ont été envoyés dans les banlieues et il ne reste plus rien d’eux au centre de la ville. Cela ne veut pas dire que nous soyons nostal­giques de ce Paris-là. Nous propo­sons juste un tableau coloré, centré prin­ci­pa­le­ment sur le Paris que nous connais­sons avec ses habi­tants d’aujourd’­hui.

FF : On n’ou­blie jamais de préci­ser au début du spec­tacle qu’on accueille les gens dans un imagi­naire pari­sien qui est le nôtre. Mais d’une façon géné­rale c’est assez rare que des personnes plus âgées viennent nous voir en nous disant qu’elles auraient aimé entendre Les esca­liers de la butte… par exemple. Ce que nous recher­chons, c’est des chan­sons qui ne parlent pas de la capi­tale car nous n’avons pas besoin de chan­ter Paris pour parler de Paris ! La nuance est là !

LPC : Vos person­nages gravitent autour d’un Paris prolé­taire et popu­laire où les airs de musette s’en­tendent dans les guin­guet­tes… c’est le Paris ouvrier d’au­tre­fois. Mais le Paris d’aujourd’­hui vous n’en parlez pas ?

FF : Si, nous en parlons dans notre spec­tacle, et le tableau du pauvre Paris, c’est le Paris d’aujourd’­hui. Il est vrai que j’ai appris à aimer plus ou moins Paris à titre person­nel en y allant avec Françoise et Serge pour décou­vrir ensemble la ville et y jouer. Mais ce n’est pas pour autant que j’en suis amou­reux, car cela me fout le bour­don de voir tant de gens pauvres devant des vitrines allé­chantes. Cela me met mal à l’aise, je dirai même que ça me dégoûte ! En fait ni le Paris d’aujourd’­hui, ni le Paris d’hier ne m’ont séduit, même si c’est l’en­semble qui a inspiré notre spec­tacle.

FM : Pour ma part, j’aime beau­coup Paris. J’aime y aller mais aussi en repar­tir, même si j’y ai habité. C’est une autre façon de vivre plei­ne­ment les choses sur Paris.

LPC : Depuis 2001, votre spec­tacle a un franc succès où que vous alliez dans le grand Est de la France. Comment l’ex­pliquez-vous ?

FF : Je pense que le spec­tacle est capti­vant et retient toute l’at­ten­tion du public. Par exemple, quand Françoise passe de l’obs­cu­rité dans la pleine lumière sur la scène en réci­tant son poème et qu’elle nous rejoint, Serge commence à racon­ter son histoire et moi j’en­chaîne avec mon accor­déon. Il y a une ébauche de balade sur une mélo­die que nous avons compo­sée, et immé­dia­te­ment, les spec­ta­teurs se mettent à voya­ger au même rythme que nous. Souvent, même s’ils ne nous connaissent pas, nous essayons de ne plus les lâcher jusqu’à la fin de notre repré­sen­ta­tion… et ça marche.

FM : Le succès repose aussi sur le dispo­si­tif du spec­tacle qui tourne sur sept tableaux, dont deux seule­ment sont tirés au sort par le public chaque soir. Et c’est ceux-là que nous jouons.

LPC : Pourquoi lais­sez-vous le public choi­sir les tableaux ? Est-ce pour que cela ne soit pas rébar­ba­tif, pour qu’on ne ressente pas que la pièce s’es­souffle à force d’être jouée, ou bien pour vous mettre davan­tage de pres­sion ? 

FM : Ça change un peu le style du spec­tacle, mais je ne pense pas que ça entraîne chez nous une pres­sion supplé­men­taire ; sauf quand on n’a pas révisé la chan­son qui fait partie du tableau tiré au sort, et que tout d’un coup on doit s’en souve­nir. Mais globa­le­ment, non, ce n’est pas un stress. Et puis le grand Est de la France ne connaît pas Paris est un village, et donc à chaque fois on découvre des endroits nouveaux et un nouveau public, et je trouve que ce partage reste à chaque fois unique.

FF : Oui j’aime bien que cela ne soit pas rébar­ba­tif ! Ce qui est bien avec le spec­tacle, depuis ses débuts, c’est qu’il n’est jamais pareil. D’une part si on le joue plusieurs soirs consé­cu­tifs, les thèmes ne sont jamais les mêmes d’une soirée à l’autre, et d’autre part, parce que ce n’est pas une pièce de théâtre qui reste figée, c’est plutôt un spec­tacle qui s’ap­pa­rente davan­tage au réci­tal d’un groupe de musique qui renou­velle ses chan­sons et ses tableaux sans chan­ger de nom ou de sujet.

LPC : Si vous aviez un mot ou une phrase pour défi­nir votre spec­tacle, que serait-il ?

FF : Si je devais ne dire qu’une phrase ça serait « la prome­nade aléa­toire de notre imagi­naire pari­sien », car la balade dans notre spec­tacle reste aléa­toire, on ne va jamais deux fois au même endroit.

LPC : Après Paris est un village, quels sont vos projets pour la compa­gnie ?

FF : Eh bien ! Nous venons de concré­ti­ser un projet que nous avions en tête depuis long­temps. Car dans le public, il y a pas mal d’ins­tits qui appré­cient notre travail dans la forme et sur le fond, et nous avons pensé qu’il serait judi­cieux de monter un spec­tacle rien que pour les enfants, sur le même sujet, mais plus acces­sible en fonc­tion de leur âge. On a donc cogité durant deux ans sur le dossier et en avril dernier est né Le Faubourg des Goua­lantes. Quant au prochain grand projet, c’est l’édi­tion au prin­temps prochain d’un CD de notre spec­tacle.

FM : Ce seront des morceaux choi­sis du spec­tacle qui forme­ront un nouveau et unique tableau pour le CD.

LPC: Merci pour le temps que vous nous avez consa­cré.


Article publié le 5 décembre 2007 dans le bimé­dia lorrain La Plume Cultu­relle.

Photo : © LPC|RG – La compa­gnie Rouges Gorges au complet : Fabrice Facci­ponte, Françoise Markun et Serge Laly.


 

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