La Plume Culturelle

Une dernière mise en scène et Laurent Gutmann tire sa révé­rence

Sans surprise, Laurent Gutmann quit­tera ses fonc­tions de direc­teur du Centre Drama­tique Natio­nal Thion­ville-Lorraine à la fin de l’an­née. Pour sa dernière créa­tion dans la région, il a choisi « Le Cerceau » de Victor Slav­kine. Une pièce qui situe l’ac­tion à l’époque de l’Union Sovié­tique et qui remet en ques­tion la notion de la soli­tude, de l’in­di­vi­dua­lité et de la commu­nauté entre les hommes.

Lorsque Laurent Gutmann arriva en Lorraine en 2004, pour prendre ses fonc­tions de direc­teur du CDTL (Centre Drama­tique Natio­nal Thion­ville-Lorraine), il avait prévenu l’as­sis­tance. Il quit­te­rait l’ins­ti­tu­tion publique à la fin de l’an­née 2009. L’eau a passé sous les ponts de Thion­ville et six années se sont écou­lées. Sa mission arrive à échéance dans quelques mois et le voilà déjà prêt pour d’autres desseins : la créa­tion d’une nouvelle compa­gnie dès janvier 2010. « S’il avait fallu rempi­ler pour un nouveau mandat, j’au­rais dû me proje­ter, non pas sur les trois prochaines années, mais sur six », lance le metteur en scène pari­sien. « Or, je n’étais plus disposé et favo­rable pour me donner cet autre défi. J’avais envie de retrou­ver un espace artis­tique, de reprendre posses­sion de mon temps et de le gérer de la façon qui me plaît », souligne-t-il.

Le bilan de son action et sa dernière mise en scène
Laurent Gutmann laisse derrière lui un actif qui ne le rend pas peu fier : une salle supplé­men­taire pour l’éta­blis­se­ment et un passage du Centre drama­tique de Thion­ville du statut régio­nal à celui de natio­nal en 2008. « Mais avant tout, ce qui m’a réjoui, c’est le contact entre­tenu entre les spec­ta­teurs et la struc­ture, une situa­tion qu’on n’a pas toujours l’oc­ca­sion de voir ou de ressen­tir lorsque l’on est au sein d’une compa­gnie », indique-t-il, un brin de nostal­gie dans la voix, alors que la page n’est pas encore tour­née. Mais, il précise toute­fois, à demi-mot : «  Avec les respon­sa­bi­li­tés de ma fonc­tion, je n’avais plus le temps de me dépla­cer pour voir des expo­si­tions, de lire des ouvrages ou d’al­ler au cinéma. » Mais depuis peu, le jeune quadra­gé­naire a l’im­pres­sion d’abor­der diffé­rem­ment sa charge de travail. Normal, il n’a plus à se préoc­cu­per du programme de la saison prochaine et profite plei­ne­ment de la mise en scène de sa 9ème et dernière créa­tion, « Le Cerceau » de Victor Slav­kine, qui sera joué au public dès lundi 12 octobre 2009.

Les ingré­diants de la pièce de Slav­kine : Soli­tude, jeux et commu­nau­té…
« Quand j’ai lu la pièce, j’en suis litté­ra­le­ment tombé amou­reux », explique Laurent Gutmann qui s’étonne encore du peu de diffu­sion et de noto­riété du spec­tacle. Une histoire qui se situe au milieu des années quatre-vingt en URSS et qui débute avec une simpli­cité décon­cer­tante. Un banal héri­tage de maison de campagne. Le nouvel acqué­reur, au nom de Pétou­chok, invite un groupe d’amis, qui ne se connaissent pas entre eux, à le rejoindre dans sa nouvelle demeure. Ce qui est plus surpre­nant c’est l’objec­tif du maître des lieux : créer une commu­nauté amicale et infor­melle pour se parer de la soli­tude de chaque membre. Mais pour cette dernière puisse exis­ter, il faut que les prota­go­nistes jouent ensemble sur le même terrain et établissent des règles communes. Et ce n’est pas gagné d’avance.

Pour Laurent Gutmann, la pièce de Victor Slav­kine met en évidence des sujets socié­taux qui demeurent intem­po­rels concer­nant la ques­tion de la soli­tude et de l’in­di­vi­dua­lisme. « Il y a quelque chose de naïf ou de déri­soire à vouloir créer une commu­nauté », affirme-t-il perplexe. « Dans notre vie, nous cher­chons à être la seule et unique personne à gérer notre propre exis­tence. Alors même si nous vivons en commu­nauté, nous conti­nuons à expri­mer une atti­tude indi­vi­dua­liste. Il n’y a qu’à regar­der un match de foot­ball. Les joueurs sont en équipe, il y a des règles pour tous mais chacun joue son propre jeu. » Avec « Le Cerceau », il y aura de quoi réflé­chir mais égale­ment de quoi rire. Et puis les spec­ta­teurs pour­ront appré­cier une dernière fois, le travail de mise en scène de Laurent Gutmann en sa qualité de direc­teur du CDNT, avant qu’il parte pour d’autres aven­tures artis­tiques et théâ­trales.


Article publié le 9 octobre 2009 dans le bimé­dia lorrain La Plume Cultu­relle.

Photo : ©LPC|Pierre Gros­bois – Les dernières répé­tions de la pièce avant la première qui aura lieu le 12 octobre prochain.