La difficulté de l’écriture
Depuis l’enfance, je suis un touche-à-tout, un autodidacte dans le domaine des arts, au sens large du terme — n’en déplaise aux puristes de la sémantique —, et tout naturellement je me suis essayé à différentes disciplines : le dessin, la peinture, la musique, la photographie, le cinéma, l’infographie et l’écriture. (Je crois même que j’en ai oublié, mais passons.) Bien sûr, je ne prétends pas tout savoir et encore moins maîtriser chaque matière expérimentée ou avoir la science infuse, mais chacun de ces domaines ne m’est pas étranger. Donc, en rédigeant ce qui va suivre, j’imagine déjà par avance un certain nombre de lecteurs érudits, tous derrière leur écran, prêts à affûter leur plume numérique — le clavier — pour réfuter et contredire, voire contester mes propos. Ainsi, de toutes les disciplines artistiques que je connais, je trouve que l’écriture est celle qui demeure la plus austère et la plus rudimentaire, la plus complexe et la plus laborieuse, celle qui demande beaucoup d’investissement intellectuel et imaginatif pour réussir un projet littéraire ou poétique sur du long terme. Oui, l’écriture est un art. Un processus dont les prémices concluantes de la production peuvent se révéler satisfaisantes bien des années après, voire jamais. Attention, je ne parle pas d’écriture administrative ou de griffonnage ; de textes « SMSiens » ou de composition de courriels professionnels. Non, je plaide bien pour l’écriture littéraire et pour ce qui s’y apparente.
L’écriture est une discipline artistique sans artifice, sans tromperie et surtout sans compromission dans laquelle l’auteur est seul face à la page blanche ; seul face à lui-même, en grande conversation avec son esprit. Non pas qu’il ne sache pas y apposer des mots pour élaborer un texte, mais plutôt qu’il ne peut nullement tricher avec son intellect. Il doit écrire de l’impalpable et du fugace avec des mots de son propre cru. Seul derrière son bureau. Ou sur la terrasse d’un café. Mais solitaire. Personne pour l’aider ou l’encourager. Au contraire, il s’isole dans son univers. Impénétrable est son monde dans lequel vivent personnages et héros dans des décors uniques ou fantasmatiques : les siens. L’écriture demande beaucoup de dévouement et de pratique ascétique ; être un auteur, c’est s’adonner au sacerdotal.
La discipline est peu coûteuse au niveau matériel : du simple papier et un stylo. Deux objets qui vont contribuer à la naissance d’une nouvelle, d’un roman, d’un essai, d’une poésie, d’un haïku. De l’immatérialité de l’imagination, il advient du tangible par la calligraphie. Aucuns gadgets. La seule richesse que l’auteur possède : son esprit, ses facultés intellectuelles et son expérience personnelle ! Sa technologie de pointe : la créativité ! Rien que cela. Grâce à sa culture générale, sa rhétorique, sa fluidité rédactionnelle, l’écrivain rédigera sa prose aisément. Sinon, à l’inverse, son cerveau, tel un mécanisme rouillé et grippé, sera son pire cauchemar. La main fébrile, indécise et angoissée laissera accoucher sur le papier — ou soyons plus moderne, sur l’écran — , des mots hésitants, égarés, inappropriés.
L’écriture est une discipline intellectuelle mais également sportive car personne ne se lance dans un tel projet sans un entraînement préalable. Pour réussir, il faut en amont définir un objectif. Sinon, la route sera trop longue et le candidat s’épuisera avant même de franchir la ligne d’arrivée. L’écriture demande beaucoup de sacrifices. Du temps. Énormément de temps. De la sueur, des pleurs et des colères. Mais pour l’auteur, au final, après avoir relevé le défi, remporté la compétition, l’écriture procure surtout de la joie, la satisfaction du travail accompli, un bien-être, mais aussi de l’étonnement après la lecture de sa production. Une libération. Mais… comment supposer ensuite que le simple fait d’écrire permet de s’exprimer de façon intelligible auprès d’un lectorat ? Car dans la finalité du processus, écrit-on pour un public ou pour soi-même ? L’appréciation personnelle de ses propres capacités cérébrales est-elle de les amplifier en raison d’une outrecuidance et une présomption de soi-même. Ou au contraire, de les minimiser de manière à les refouler dans sa chair et en refusant ses ambitions littéraires. L’auteur est-il le protagoniste d’une destinée d’illustre écrivain ou d’un obscur inconnu abandonné sur le bord du chemin de la littérature ? Une question dont lui-même n’a pas la réponse !
Écrire, c’est méditer sur les pensées ; écrire, c’est réfléchir sur les mots qui touchent et sensibilisent chacun d’entre nous. L’écriture nous rend si humain. Donc si imparfait. L’auteur avec ses textes se met à nu devant les lecteurs, lesquels, en lisant sa création auront un jugement subjectif et impartial ; une conséquence inévitable dans le mécanisme de la lecture ; un avis sur le sujet ; une opinion sur le texte. Des sentiments identiques pour un public admiratif ou non dans toutes les disciplines artistiques — en considérant qu’il y du travail, du talent et de la qualité. Nous sommes humains, n’oubliez donc pas… des êtres avec beaucoup de défauts et peu de qualités.
Photo : ©LibelSanRo | pixabay.com – le site de la photographe : LibelSanRo