Poésie ? Qui parle de poésie ? Vous parlez de poésie ?
Ce matin aux aurores, en buvant mon café chaud, je me suis dit que cela serait bien de griffonner une petite chronique pour le blog car depuis quelques semaines, je n’ai rien rédigé. Ce n’est pas que la motivation me manque mais parfois elle n’est pas au rendez-vous. Il arrive même que les idées de sujet s’absentent de mon esprit. Une sorte de trou noir intellectuel dans lequel toute lueur d’imagination et de créativité est absorbée par ma paresse. Alors, il me faut des nuits d’insomnie comme celle que je viens de passer pour me décider à me mettre devant l’ordinateur. Puis de l’allumer (plus pratique) pour écrire ce qui me passe par la tête.
Sans vouloir entrer dans les détails de ma vie personnelle car tout le monde s’en fiche, pour vivre de mon art (comprendre faire bouillir la marmite et payer les factures), j’anime des ateliers poétiques durant les vacances estivales. Ainsi, chaque mardi et mercredi après-midi, dans le cadre d’animations artistiques, culturelles et sportives dans les quartiers d’une agglomération val-de-marnaise, je propose aux habitants d’exprimer leurs émotions ou leurs sentiments sous la forme d’un poème puis de l’afficher sur une fresque. Au fil des semaines, je me suis rendu compte que les adultes avaient parfois du mal à extérioriser ce qu’ils ressentaient. Autant les enfants, lorsqu’ils ont une idée en tête ou qu’ils savent ce qu’ils vont rédiger, ils y vont cash. Il n’y a pas de faux-semblant. De même s’ils ne souhaitent nullement participer à l’atelier pour diverses raisons, c’est toujours un NON définitif et sans compromis. Quant aux adultes, c’est une autre histoire. Pour ne pas me froisser ou tout simplement pour éviter l’écriture d’un texte, ils tentent des subterfuges maladroits. Le plus courant est celui-ci : « Pas mal du tout le principe des poèmes mais je vais juste faire un tour des stands et puis je reviendrai plus tard. » Ou encore celui-là : « Je ne suis pas inspiré. Je fais un tour pour réfléchir et je reviens. » Évidemment, ils ne reviennent jamais.
À vrai dire, cela me rappelle lorsque dans une autre existence moins palpitante et plus stressante pour moi, je fus vendeur de télévisions confronté à des clients indécis. Je vous vois venir, vous vous demandez quel rapport y a-t-il avec la poésie ? Eh bien les excuses que les personnes exprimaient pour justifier leur départ du rayon sans avoir à acheter le téléviseur : « Je reviens, je vais juste faire un tour pour réfléchir » ou « Je repasserai plus tard » ou encore « C’est juste pour avoir des renseignements. » Bien entendu sur mes ateliers poétiques, je n’ai pas eu encore de personne me demander des éclaircissements sur une technique d’écriture pour un poème et puis repartir sur le champ après avoir obtenu l’information : « Bonjour, je voudrais savoir comment on écrit un sonnet ou un acrostiche ? Merci et au revoir. »
Je me rends compte que les adultes et les adolescents ont une approche particulière avec la poésie. Pour la grande majorité d’entre eux, ce mode d’expression les rebute pour diverses raisons liées en grande partie à l’apprentissage de la discipline à l’école. Parfois aussi par méconnaissance des styles existants ou par manque de pratique. J’avoue que déclamer un poème pour dire à son patron qu’il nous les casse n’est pas chose commune. Encore moins de râler en alexandrin auprès d’une administration ou de dire un haïku quand votre belle-mère vous raconte sa vie. Mais les enfants, eux dès leur plus jeune âge sont prédisposés à la découverte de la poésie à condition que dans le mode de création, personne ne les conditionne ou ne les dégoûte. Ils n’ont aucun préjugé sur la poésie. Et dire que dans l’Antiquité grecque, toute expression littéraire (art oratoire, chant ou théâtre, oui car le roman n’existait pas à cette époque… pas de Musso, Lévy et compagnie) était qualifiée de poétique. Et puis l’étymologie de poésie vient du mot grec antique poiêsis qui signifie création. Il n’y a qu’à lire L’Iliade et l’Odyssée d’Homère ou même la Bible (alors là pour être honnête, je n’ai pas dépassé l’Ancien Testament… et encore, pas plus d’une centaine de pages) pour se rendre compte que toutes créations littéraires n’étaient que poésie dans laquelle il y avait une réelle musicalité des mots. Bon, sans faire dans le lyrisme ou le gars exalté de vers, je dirai que la poésie est un mode d’expression permettant de partager des observations, des émotions ou des sentiments en peu de mots. Il n’y a pas besoin d’écrire un roman pour dire ce que nous pensons ou ce que nous ressentons.
Pour finir et parce que j’ai trouvé cette phrase assez vraie, Voltaire écrivit dans Mélanges de philosophie, de morale et de politique : « Un mérite de la poésie dont bien des gens ne se doutent pas, c’est qu’elle dit plus que la prose, et en moins de paroles que la prose. » Ce n’est pas pour rien que j’apprécie le haïku où l’auteur doit exprimer sa pensée le temps d’un souffle : 17 syllabes, pas plus et pas moins ! Et vous ? Quel mode d’expression préférez-vous ?
Allez petit bonus car je trouve ce paragraphe dans Mélanges de philosophie, de morale et de politique de Voltaire tellement juste : « On demande comment la poésie étant si peu nécessaire au monde, elle occupe un si haut rang parmi les beaux-arts. On peut faire la même question sur la musique. La poésie est la musique de l’âme, et surtout des âmes grandes et sensibles. » Après cela que dire de plus… ne plus rien dire, juste me taire.