La Plume Culturelle

Yvan Le Bolloc’h : sacré musi­cien et bon décon­neur

Yvan Le Bolloc’h, parrain de la 2e édition du festi­val « Nomade In Metz », et son groupe Ma guitare s’ap­pelle reviens, se produi­ront en concert sur la place de la Répu­blique, à Metz, le vendredi 9 septembre 2011. Un défi qui ne pouvait que tenter cet homme sachant si bien défendre la cause gitane et le rappro­che­ment des cultures en mélan­geant humour et musique. Le comé­dien-musi­cien l’a relevé avec brio.

La Plume Cultu­relle : Le grand public connait Yvan Le Bolloc’h de la télé, moins celui du groupe « Ma guitare s’ap­pelle reviens ». Qui est-il ?

Yvan Le Bolloc’h : Une personne iden­tique mais qui possède des chemises de mauvais goût, une guitare en bandou­lière et qui a 300 concerts à son actif avec le groupe. Sans oublier la sortie de deux albums, un DVD et un live. Mais j’es­père surtout avoir gagné ma crédi­bi­lité dans le domaine de la musique gitane.

LPC : À quand remonte cet amour pour la rumba et la musique gitane ?

YLB : Cela remonte à l’époque de ma première inter­view en tant que jour­na­liste musi­cal à Europe 1, j’y ai rencon­tré les Gipsy Kings. Nous nous étions mis dans un coin pour qu’ils puissent répondre à mes ques­tions, mais j’ai très vite remarqué que répondre aux ques­tions, ce n’était pas vrai­ment leur truc. Alors je leur ai dit qu’il fallait peut-être qu’ils se mettent dans un contexte où ils se sentent plus à l’aise avec leur guitare. Les membres du groupe les ont prises et là, j’avais tout compris. C’était complè­te­ment ébou­rif­fant comme expé­rience de les entendre chan­ter et jouer à deux mètres de moi. Je pense que c’est à ce moment-là que j’ai souhaité en jouer, c’était un rêve. Me délec­ter et écou­ter sans relâche cette musique éner­gi­sante, c’était la première partie de mon appren­tis­sage.

LPC : L’ap­pren­tis­sage de la guitare et l’en­goue­ment pour le flamenco datent-ils de cette époque ?

YLB : L’en­vie d’ap­prendre n’est pas venue tout de suite, ça a mis pas mal de temps à germer dans ma tête car, à cette époque, je ne savais jouer d’au­cun instru­ment. Bon, j’ai eu ma période comme tous les adoles­cents qui achètent leur première méthode et leur guitare élec­trique à 17 ans et qui espèrent qu’en la bran­chant, elle va jouer toute seule. Donc je l’ai rapi­de­ment rangée dans son étui. Il a fallu attendre la période de l’émis­sion « Top 50 » (ndlr : de 1991 à 1993 sur Canal +) pour que je m’y remette un peu, car il y avait toujours une guitare qui trai­nait dans le studio. Avec « Plein de super » (ndlr : de 1993 à 1994, toujours sur Canal +), là, tout s’ac­cé­lère. Et puis pour connaître la façon de jouer avec la main droite, dont seuls les gitans ont le secret, comme le compas de la rumba ou celui du tango, il fallait connaitre un des leurs qui le pratique. Aujourd’­hui, vous avez des sites Inter­net qui vous l’ap­prend, à cette époque, le Web n’exis­tait pas. Ensuite, il y a eu la rencontre avec Jean-Philippe Brutt­mann, un grand musi­cien français de flamenco, avec lequel j’ai appris la rumba flamenca.

« Ils viennent voir aussi le décon­neur que je suis,
celui qui les fait rire et qu’ils découvrent derrière la rumba »

LPC : Après tant de succès comme anima­teur et comé­dien, pourquoi vous êtes-vous lancé dans une carrière musi­cale aussi ciblée ?

YLB : Je ne me suis même pas posé la ques­tion. Par exemple, quand j’ai eu l’idée de « Caméra café », je ne me suis pas dit : nous allons faire 700 épisodes, ça va « déchi­rer », on va pouvoir vendre des DVD et ensuite produire deux films. Là, ce n’est pas un artiste qui raisonne, c’est un comp­table ! Je pense que l’en­vie est le seul moteur qui te guide. A l’époque, je souhai­tais apprendre cette musique, pas forcé­ment monter un groupe, produire des albums ou monter sur scène. Déjà qu’aujourd’­hui, se lancer dans une carrière musi­cale, c’est un peu suici­daire, alors s’at­taquer à des niches aussi poin­tues que la rumba, non, vrai­ment pas. Mais il se trouve aussi que le hasard a placé sur mon chemin Yannis Patrac et Patrick Baptiste, deux gitans, à la fin du tour­nage du film de Jean-Pierre Mocky, en 2006, à Béziers, et que nous avons bien sympa­thisé. Le premier est devenu le chan­teur du groupe « Ma guitare s’ap­pelle reviens » et le second, son guita­riste. Et l’aven­ture a pu débu­ter ainsi. Compre­nez bien qu’au départ, ce n’était qu’un plai­sir artis­tique et ensuite une envie de permettre au public de décou­vrir ces musi­ciens.

LPC : Comment les artistes tsiganes vous ont-il accueilli dans leur milieu ?

YLB : Très bien. Pour peu que vous soyez animé de bonnes inten­tions envers eux et que vous soyez respec­tueux de leur musique et de la culture gitane, il n’y a aucun problème. J’avais égale­ment l’en­thou­siasme et la pureté du débu­tant. Donc les choses se font harmo­nieu­se­ment.

LPC : Sur les routes depuis la sortie de votre album « Fiers et Suscep­tibles » en 2009, comment le public vous perçoit en tant que musi­cien ?

YLB : Ben, ça, j’en sais rien, vous me posez une colle (rire) ! Il est vrai que j’ai beau­coup de commen­taires posi­tifs et que les gens qui viennent à la fin des concerts ache­ter des CD sont super chaleu­reux et me disent souvent qu’ils ne connais­saient pas la musique gitane. Et puis le public vient aussi car ce n’est pas réel­le­ment un concert qu’on leur propose sur scène, mais plutôt un spec­tacle. Ça mélange l’hu­mour et la musique. Ils viennent voir aussi le décon­neur que je suis, celui qui les fait rire et qu’ils découvrent derrière la rumba. Rares sont ceux qui seraient venus me dire : « Et Yvan, tu t’es bien foutu de notre gueule ! Moi je suis venu voir de la déconne, qu’est-ce que j’en ai à foutre de la musique de rastaquouères ! », je dirai même que ce n’est jamais arrivé. En même temps, il y en a peut-être qui le pensent, mais ceux qui protestent viennent rare­ment aux concerts pour se plan­ter devant toi en disant : « Je suis déçu, rends-moi mon argent ! »

LPC : Donc le spec­tacle combine de la musique gitane et des sketchs humo­ris­tiques. Pourquoi un tel procédé pour présen­ter un rappro­che­ment des cultures ?

YLB : Le procédé nous permet de faire passer des petits messages. Par exemple, il faut que nous, les séden­taires, nous nous débar­ras­sions impé­ra­ti­ve­ment de l’image déplo­rable que nous entre­te­nons depuis plusieurs géné­ra­tions autour des nomades. C’est toujours pareil, on a peur de ce qu’on ne connait pas et c’est ainsi que se déve­loppe le racisme à leur égard. Il me semble que par l’hu­mour, on peut distil­ler quelques clichés sur notre compor­te­ment vis-à-vis des gens du voyage. Tout y passe, du voleur de poules au voleur d’en­fants. De nos jours, qui rentre dans un camp gitan pour boire un verre, décon­ner et serrer des mains ? Personne ! Les séden­taires sont d’un côté, les nomades de l’autre. Bon c’est égale­ment de leur faute, ils restent en circuit fermé et ils ont aussi peur de nous. Et vice-versa. On dit telle­ment de conne­ries comme quoi ils sont sales, voleurs et qu’ils ne respectent rien. Mais les gitans pensent exac­te­ment la même chose de nous : qu’on se perver­tit devant la télé­vi­sion, qu’on aban­donne nos vieux dans des mouroirs et qu’on ne va pas à l’église. Alors atten­tion, à la base ce n’est pas un spec­tacle mili­tant pur et dur, je ne repré­sente pas telle ou telle asso­cia­tion. Moi, je souhaite que le public vienne pour se marrer et puis se dise que fina­le­ment, cette musique, il n’y en a pas de pareille pour faire passer de l’émo­tion et des senti­ments.

LPC : A Metz, les festi­va­liers de « Nomade In Metz » vont décou­vrir ce spec­tacle atypique ?

YLB : Non malheu­reu­se­ment, pas pour Metz, j’en suis désolé. Dans le cadre du festi­val « Nomade In Metz  », nous allons faire un vrai concert, car jouer sur scène un spec­tacle avec des petites blagues devant 3 000 personnes, en plein air, c’est assez diffi­cile. On peut le réali­ser lorsqu’on est dans un théâtre où on a le décor et la cara­vane ainsi que la proxi­mité physique avec le public. Là, c’est pas gérable.

« Par le biais de la musique,
c’est l’oc­ca­sion pour toute une caté­go­rie de gens
de retrou­ver une dignité perdue… »

LPC : Pourquoi avoir accepté d’être le parrain de la deuxième édition du festi­val « Nomade In Metz » ?

YLB : J’en avais entendu parler il y a un an. Mais il est vrai que l’en­thou­siasme et l’ac­cent déli­cieux de Daniela Ivanova, le travail extra­or­di­naire qu’elle a accom­pli avec celui de tous les béné­voles du festi­val, l’ac­cueil chaleu­reux que nous avons à chaque fois que nous venons jouer dans l’Est de la France, tout cela m’a poussé à accep­ter la propo­si­tion. J’ai aussi vu la bande-annonce, « Je suis Nomade In Metz », qui est vache­ment sympa. Et puis c’est super flat­teur d’être présenté comme tête d’af­fiche d’un tel festi­val, je ne vais pas dire le contraire. En plus, il y a une program­ma­tion géniale et des groupes que j’adore.

LPC : Quel senti­ment cela vous procure de repré­sen­ter les artistes tsiganes dans ce type de mani­fes­ta­tion ?

YLB :
 Holà, je ne repré­sente pas les artistes tsiganes, c’est trop de respon­sa­bi­lité sur mes épaules (rire). Ils sont assez grands pour se repré­sen­ter eux-mêmes, ils n’ont pas besoin de moi. Bon après, si c’est le cas, si je fais venir des gens au festi­val grâce à mon nom –et je mesure toute la respon­sa­bi­lité que cela incom­be–, j’es­saye­rai de mettre une jolie chemise, de me raser et de propo­ser le meilleur spec­tacle possible pour que tout le monde soit ravi. Aussi, j’es­père que « Nomade In Metz » devienne un festi­val de réfé­rence dans le domaine des musiques des sans-papiers parce que par le biais de la musique, c’est l’oc­ca­sion pour toute une caté­go­rie de gens de retrou­ver une dignité perdue.


Article publié le 7 septembre 2011 dans le bimé­dia lorrain La Plume Cultu­relle.

Photo :  ©LPC|DR – Yvan Le Bolloc’h, parrain de la 2e édition du festi­val « Nomade In Metz », sera présent avec son groupe Ma guitare s’ap­pelle reviens.


 

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