La Plume Culturelle

« Vers le nouveau monde », le nouvel opus de Frédé­ric Truong

La Plume Cultu­relle propose depuis janvier une rubrique desti­née aux artistes mécon­nus d’une grande partie du public ou trop peu média­ti­sés. Avec passion, ils parti­cipent à l’en­ri­chis­se­ment cultu­rel de la Lorraine et nous les mettons à l’hon­neur. Béné­fi­ciez de l’in­te­rac­ti­vité d’In­ter­net pour décou­vrir un aperçu de leurs œuvres sous forme de son ou de vidéo. Auto­di­dacte, Frédé­ric Truong mélange avec ingé­nio­sité des atmo­sphères sombres et enso­leillées. Avec la sortie de son dernier opus « Vers le nouveau monde », le public ne demeu­rera  pas insen­sible aux mélo­dies et à la qualité des textes. 

La Plume Cultu­relle : Comment a débuté ta carrière musi­cale ?

Frédé­ric Truong : Je l’ai commen­cée au début des années quatre-vingt-dix dans un groupe qui s’ap­pe­lait « leit­mo­tiv » formé avec un autre musi­cien. Nous avions composé six albums à base de musiques synthé­tiques et instru­men­tales. Il n’y avait pas de texte car nous voulions que le public se crée son propre univers, ses propres images en écou­tant simple­ment les mélo­dies. Et puis pour être sincère, je ne me voyais pas à cette époque chan­ter sur mes propres compo­si­tions. Le proces­sus s’est engagé bien plus tard avec la poésie. J’ai commencé l’ar­ran­ge­ment entre la musique et les paroles vers 2002, après la disso­lu­tion de « leit­mo­tiv », sur des poèmes de Rimbaud, de Baude­laire et de Verlaine, puis avec des reprises de Jean-Louis Murat ou de Polna­reff. Ensuite, j’ai commencé l’écri­ture de mes textes et progres­si­ve­ment, je m’y suis fait.

LPC : Tu dis être un inter­prète de chan­sons françaises pop-inti­mistes. Que veux-tu dire par « pop inti­miste » ?

FT : Pas mal d’in­fluences proviennent chez moi de la musique under­ground, de la musique clas­sique, du rock, de certaines bandes origi­nales de films ou de chan­sons françaises, je m’en inspire pour créer mon propre style dans la compo­si­tion. Alors, en ce qui concerne mes chan­sons, il y en a un grand nombre dans le registre pop qui est un style de musique ryth­mique, un peu moins que le rock, et à la fois très mélo­dique. Et d’autres présentent un style plus inti­miste parce que je fais des pianos/voix ou de la guitare acous­tique. C’est aussi pour cela que j’ai arrêté le groupe « leit­mo­tiv », car d’une part, je dési­rais jouer de plus en plus avec des instru­ments comme la guitare clas­sique ou élec­trique et le piano. D’autre part, je voulais rencon­trer d’autres musi­ciens pour parta­ger la passion de la musique.

LPC : « Vers le nouveau monde » est ton troi­sième album, peux-tu nous le présen­ter ?

FT : J’aime beau­coup abor­der de grands thèmes qui me touchent, par exemple les rela­tions amou­reuses, la guerre, la paix ou le racisme. Sans en faire des chan­sons enga­gées, je m’ex­prime sous forme de méta­phores ou d’images comme dans la poésie. « Vers le nouveau monde » aborde des thèmes pessi­mistes, des pers­pec­tives assez sombres, fina­le­ment on a envie de cher­cher ailleurs ce qu’il n’y a plus ici. D’ailleurs, l’al­bum est illus­tré de photos qui avec brio révèlent un peu plus le thème de mon opus et qui sont réali­sées par Jérôme Sevrette, un photo­graphe dont j’ap­pré­cie le travail.

LPC : Amour, bonheur, douleur, paix, guerre ou espoir. Pourquoi des thèmes aussi oppo­sés dans ton album ?

FT : Ce sont des thèmes qui me touchent person­nel­le­ment, comme je suppose la plupart d’entre nous. La musique est un moyen d’ex­pres­sion grâce auquel j’évoque des sujets que je n’abor­de­rais pas aussi faci­le­ment si je devais les présen­ter dans la vie courante. Je ne traite pas seule­ment de la souf­france, la nostal­gie appa­raît égale­ment avec notam­ment les souve­nirs d’en­fance que l’ont retrouve dans mes textes. Mais je ne parle pas que de moi, j’in­clus aussi les autres et j’ob­serve ce qui se passe autour de moi. Par exemple j’ai raconté l’his­toire du fils d’une amie, qui a eu un acci­dent de voiture, dans deux de mes chan­sons : l’une dans le précé­dent album parce que je pensais qu’il ne s’en sorti­rait pas, inti­tu­lée L’In­dif­fé­rent. Et l’autre, plus posi­tive car il y a eu une lueur d’es­poir, sous le nom de Viens avec moi dans mon dernier album.

LPC : Tu magni­fies un monde cruel et désolé où l’homme n’ex­prime plus ses senti­ments. Pourquoi ?

FT : Je vais te paraître pessi­miste mais je trouve que tout dans notre société est axé sur les choses maté­rielles. Les gens vont plus faci­le­ment te parler de leur dernier télé­phone portable qu’a­bor­der avec leurs semblables une vraie discus­sion sur des sujets de fond. Je rencontre souvent des personnes qui ont une vie dénuée de tout inté­rêt et qui ne se passionnent pour rien. Bon, j’ad­mets que tout le monde ne peut pas se prétendre artiste en peignant ou en jouant de la musique ; mais ne serait-ce que déve­lop­per sa curio­sité, ça ferait drôle­ment avan­cer les choses. Or, je trouve les gens moins curieux et des secteurs comme le cinéma ou la musique deviennent forma­tés ou prémâ­chés. Alors comme je ne suis pas quelqu’un de révolté et qui n’a pas envie de crier, je l’ex­prime avec de la mélan­co­lie dans mes chan­sons. C’est mon style.

LPC : Le monde d’aujourd’­hui te fait-il si peur qu’il te faut aller « vers le nouveau monde ». Est-ce ta terre promise du senti­ment ?

FT : Je n’ai pas peur du monde actuel, ce n’est qu’un concept pour cet opus. Je dévoile plus le résul­tat d’une réflexion que l’idée de vouloir chan­ger quoi que ce soit ou de partir vers l’in­connu. J’aime m’en aller mais j’ap­pré­cie le retour comme pour un voyage. Quand on cherche un ailleurs, c’est qu’on n’est pas bien dans sa vie. Or, je suis bien dans la mienne. L’al­bum reflète un instan­tané, une photo­gra­phie dans laquelle je vois une certaine approche des choses. Dans dix ans, je les verrai diffé­rem­ment peut-être. Je romance, tel un écri­vain, les histoires que je raconte. Il y a un peu de moi dedans, mais pas tout. Par exemple dans le précé­dent opus « Après l’été », il y avait une théma­tique basée sur les saisons et les couleurs avec des sujets concer­nant ma vie senti­men­tale, les amitiés ou l’ob­ser­va­tion de la vie quoti­dienne.

LPC : Comment procèdes-tu pour l’écri­ture et la compo­si­tion de tes chan­sons ?

FT : La recet­te… il n’y en a pas. Il peut arri­ver que des idées me viennent en tête en une frac­tion de seconde. Je trouve d’abord la mélo­die puis le texte ou vice-versa et tout cela en dix minutes. Parfois, le sujet, qui m’aura marqué dans le passé, aura eu le temps de mûrir tranquille­ment et un jour, les mots me viennent pour l’ex­pri­mer avec justesse. Dès que j’écris une chan­son, je l’en­re­gistre pour m’en faire une démo. Ensuite, je la présente aux musi­ciens avec lesquels je vais la retra­vailler jusqu’à un résul­tat satis­fai­sant. Lorsque chacun d’entre nous est impré­gné du morceau, on l’en­re­gistre et on le répète pour les concerts.

LPC : Peux-tu nous racon­ter comment s’est passée ta rencontre avec le groupe hollan­dais Mecano et le chan­teur Léonard Lasry qui ont parti­cipé à ton album ?

FT : Mecano est un groupe que j’écou­tais lorsque j’étais plus jeune. Aussi lorsque je me suis inscrit sur MySpace en 2006, j’ai recher­ché toutes les forma­tions musi­cales que j’ap­pré­ciais depuis l’ado­les­cence. Etant donné que Mecano n’avait rien sorti depuis plus de 25 ans, j’ai été très étonné de trou­ver le groupe sur Inter­net. J’ai envoyé un cour­riel et il m’a répondu très genti­ment. Nous avons échangé nos albums puis au fil du temps, nous avons sympa­thisé. Lorsque je prépa­rais « Vers le nouveau monde », j’ai indiqué aux membres de Mecano que j’al­lais faire des duos sur certains morceaux et que j’au­rais aimé les avoir pour le titre les vaga­bonds. Ils ont accepté d’y parti­ci­per et nous avons commencé à nous envoyer les fichiers MP3. La musique a été enre­gis­trée ici à Nancy, et leur partie voix, mando­line, synthé et basse chez eux à Amster­dam en octobre 2007. Un mois après je suis allé les rencon­trer pour fina­li­ser et maste­ri­ser le morceau que, chacun de son côté avait arrangé depuis six mois. Pour Léonard Lasry, j’ai trouvé assez sympa son style piano-bar et j’ai utilisé le même procédé pour le contac­ter. En revanche lui, je lui ai plutôt proposé de m’écrire une chan­son pour l’opus.

LPC : Quelles ont été les condi­tions et les moyens pour enre­gis­trer ton album ?

FT : J’en­re­gistre pratique­ment tout chez moi. A une époque mon salon était devenu un local de répé­ti­tion. Il y avait le batteur et les autres musi­ciens et on répé­tait le dimanche après-midi. Heureu­se­ment que j’avais des voisins sympas, ils n’ont jamais rien dit. Aujourd’­hui, je répète ailleurs. Pour faire l’al­bum, je commu­niquais via Inter­net afin d’échan­ger nos fichiers entre musi­ciens. Par exemple, j’avais un joueur de flamenco qui enre­gis­trait en Angle­terre sa partie, ou Mecano qui enre­gis­trait à Amster­dam. Aujourd’­hui pour enre­gis­trer un album, cela coûte moins cher car le secteur s’est démo­cra­tisé. En revanche pour le maste­ring, je préfère toujours l’oreille exté­rieure d’un studio profes­sion­nel qui fina­lise le travail.

LPC : Es-tu satis­fait du résul­tat, ou es-tu l’un de ces perfec­tion­nistes qui arrangent leur album durant de longs mois sans pour autant être satis­faits au final ?

FT : On peut toujours mieux faire ! Mais je suis parti­cu­liè­re­ment satis­fait du son, de l’in­ter­pré­ta­tion et du niveau tech­nique de cet album. Je le trouve bien enre­gis­tré. Au bout du quator­zième album, il y a des erreurs que tu ne commets plus. Nous avions pas mal répété les morceaux en amont, alors même si nous exécu­tions nos parties chacun de notre côté pendant l’en­re­gis­tre­ment, c’était pratique­ment en condi­tion live. Je souhai­tais que tout se découle natu­rel­le­ment au niveau du son et que le jour où le public nous écou­te­rait en concert, cela reflè­te­rait clai­re­ment l’opus. Pour le prochain (mais j’ai encore le temps, lais­sons vivre celui-ci), j’ai­me­rais bien l’en­re­gis­trer dans un vrai studio, pour chan­ger. Le produire chez soi, c’est vrai­ment lourd : pour enre­gis­trer la voix, par exemple, je passe des commandes au micro et ainsi de suite. Là, j’au­rais envie d’être pris en charge : je viens chan­ter et jouer de mes instru­ments et quelqu’un est là pour régler le maté­riel et enre­gis­trer mes compo­si­tions.

LPC : Sans Inter­net aurais-tu la même noto­riété ?

FT : Quand j’ai débuté dans la chan­son, j’étais diffusé par un distri­bu­teur en France et à l’étran­ger. Mais j’étais plus connu en Alle­magne, aux Etats-Unis ou en Asie qu’en Lorraine. Main­te­nant on vend moins de CD avec Inter­net et j’ai voulu privi­lé­gier le contact direct avec le public. Je me suis rendu compte en quelques réci­tals, que les gens venus aux concerts diffusent l’in­for­ma­tion de bouche à oreille à leurs proches et viennent ensuite sur mon site Inter­net pour décou­vrir mon travail. Alors oui Inter­net ça aide beau­coup pour déve­lop­per sa noto­riété, mais il n’y a pas que cela. Il faut garder le côté humain et suivre l’évo­lu­tion des commu­ni­ca­tions. Les deux ensem­ble… c’est bien !

LPC : Enfin quels sont tes projets pour la rentrée après la sortie de ton album ?

FT : On cherche de nouvelles dates et on axe le travail sur les répé­ti­tions et les concerts jusqu’à la fin de l’an­née. Une violo­niste de l’Opéra de Nancy, que j’ai rencon­trée grâce au batteur, va certai­ne­ment nous rejoindre, et nous passe­rions de trois à quatre musi­ciens. Je pense que cela va vrai­ment donner un petit plus dans nos concerts. Et je pense produire un nouveau clip pour l’un de mes morceaux.


Article publié le 5 septembre 2008 dans le bimé­dia lorrain La Plume Cultu­relle.

Photo : © LPC|JML – Frédé­ric Truong : « Quand on cherche un ailleurs, c’est qu’on n’est pas bien dans sa vie. Or, je suis bien dans la mienne ».


 

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