La Plume Culturelle

Saison théâ­trale éclec­tique pour le Centre Drama­tique de Thion­ville

Rencontre avec le direc­teur du Centre Drama­tique Natio­nal de Thion­ville, Laurent Gutmann, qui nous présente la struc­ture qu’il a en charge depuis 2004 et la program­ma­tion pour la nouvelle saison. Un metteur en scène qui aime les défis et les projets ambi­tieux.

Ne croyez pas qu’en raison de son origine pari­sienne, Laurent Gutmann, l’ac­tuel Direc­teur du Centre Drama­tique Natio­nal de Thion­ville, l’an­cien comé­dien élève d’An­toine Vitez au Théâtre natio­nal de Chaillot, déve­loppe en Lorraine un art scénique plus spéci­fique de la capi­tale. Non, il suffit de lire le programme de la saison 2008 – 2009 pour consta­ter la diver­sité dans la sélec­tion des spec­tacles et les ambi­tions affi­chées pour le théâtre. Pas de réelle créa­tion de sa part, cette année, ni de théma­tique centrale, seules quelques préfé­rences « obses­sion­nelles », plei­ne­ment assu­mées par le direc­teur, sur le rapport avec les étran­gers et sur la tolé­rance mutuelle ; la program­ma­tion demeure éclec­tique.

« Aujourd’­hui une des grandes richesses de la scène en Europe c’est la diver­sité, assor­tie à la perti­nence », explique Laurent Gutmann, qui souhaite que les spec­ta­teurs se sentent à l’aise dans un théâtre même ceux qui n’ont pas l’ha­bi­tude d’y aller. 10 produc­tions vont être propo­sées, dont deux créa­tions locales, avec des sujets fédé­ra­teurs aussi variés que l’amour, le sexe, la société et la poli­tique au sens large du terme. « Plutôt que de nous tendre un miroir sur la société actuelle en ne se préoc­cu­pant que de l’ac­tua­lité, le théâtre doit nous permettre de faire un petit pas de côté et de nous obser­ver, ainsi que notre envi­ron­ne­ment », explique-t-il. Et il précise: « Le théâtre est une repré­sen­ta­tion de notre monde dans laquelle il faut regar­der ce qui nous entoure mais d’une façon nouvelle ».

C’est ainsi que le public pourra à la fois se diver­tir et réflé­chir en s’in­ter­ro­geant sur des sujets d’ac­tua­lité avec notam­ment « Idiot ! », une adap­ta­tion et une écri­ture très libre de Vincent Macaigne à partir de l’œuvre de Fedor Dostoïevski. On saluera la perfor­mance de Marcel Bozon­net avec « Gavroche, rentrons dans la rue ! » sur des textes de Victor Hugo et Anto­nin Artaud. Ou « Le silence des commu­nistes » d’après Vitto­rio Foa, Miriam Mafai et Alfredo Reichlin, entre autres. Sans oublier « Sexa­mor » de Pierre Meunier, pièce dans laquelle se mêlent sexe et amour entre une femme et un homme. Laurent Gutmann va à la fin du mois d’oc­tobre démar­rer un projet qui sera présenté au public en mai 2009 sous la double forme d’un spec­tacle théâ­tral et de la projec­tion d’un film préparé en amont : il s’agira, avec l’aide d’une cinquan­taine de comé­diens amateurs locaux, de racon­ter de petites histoires qui se passent dans la rue ; pas n’im­porte quelle rue, celle qui dessert les quar­tiers de Thion­ville jusqu’à la zone commer­ciale.

Cette program­ma­tion présente une saveur parti­cu­lière puisque l’iden­tité insti­tu­tion­nelle du Centre Drama­tique de Thion­ville a changé au début de l’an­née 2008, faisant passer son statut de régio­nal à natio­nal. En consé­quence, un budget conforté qui n’a pas subi les restric­tions impo­sées par la poli­tique natio­nale de désen­ga­ge­ment dans le domaine cultu­rel en France. Néan­moins, Laurent Gutmann reste vigi­lant : « je pense que la géné­ra­tion actuelle d’hommes poli­tiques comme Nico­las Sarkozy n’éprouve aucun inté­rêt pour la culture,  et qu’ils n’ont que des parcours complè­te­ment linéaires, sans prendre le temps de lire ou d’al­ler au théâtre. Alors que les hommes de la géné­ra­tion précé­dente, De Gaulle, Mitter­rand, ont connu des parcours chao­tiques, des temps morts, des impasses et des échecs, et cela nour­rit un homme ».

Pour Laurent Gutmann, il n’est pas vrai que le public fasse défec­tion, car le préjugé que personne ne va au théâtre est véhi­culé par ceux-là mêmes qui n’y vont pas. « Il suffit d’y aller et de consta­ter la vraie ferveur des spec­ta­teurs », explique-t-il, en préci­sant que « le théâtre est par défi­ni­tion un art mino­ri­taire puisqu’il ne touche que par les repré­sen­ta­tions et par le nombre de personnes que la salle peut accueillir. Avec la télé­vi­sion, une émis­sion va toucher simul­ta­né­ment des milliers ou des millions de télé­spec­ta­teurs. » Pour le metteur en scène, l’ex­ci­ta­tion que ressent le spec­ta­teur au théâtre est liée d’une certaine façon à la possi­bi­lité d’un acci­dent des comé­diens. Senti­ments exal­tants tota­le­ment impos­sibles à vivre pour un télé­spec­ta­teur devant une émis­sion enre­gis­trée.

Ses pers­pec­tives profes­sion­nelles pour l’ave­nir ? Créer un centre drama­tique euro­péen sur un cargo, une sorte de villa Médi­cis itiné­rante qui sillon­ne­rait la mer d’Oslo à Istam­bul. « Je me dis que si on ne bâtit pas un projet un peu fou à un moment de sa vie, on meurt avec des regrets, et je ne voudrais pas avoir ce regret-là ! » sourit l’in­té­ressé qui a prévenu, dès son arrivé en Lorraine en 2004, qu’il quit­te­rait Thion­ville fin 2009.


Article publié le 6 octobre 2008 dans le bimé­dia lorrain La Plume Cultu­relle.

Photo : © LPC|CDNT – Laurent Gutmann, direc­teur du Centre Drama­tique Natio­nal de Thion­ville : « Le théâtre est une repré­sen­ta­tion de notre monde. »


 

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