La Plume Culturelle

L’ [A] pesan­teur au contact de l’art contem­po­rain

Nouvelle expo­si­tion au Fonds Régio­nal d’Art Contem­po­rain de Lorraine (Metz) sur une théma­tique inat­ten­due : l’ape­san­teur et l’uni­vers de la physique. Entre la lour­deur et la légè­reté des objets en suspens, entre la chute et le saut, la confron­ta­tion du corps, de la matière et de l’es­prit, un régal pour la réflexion.

Un voyage à travers l’art et la pesan­teur attend le public dans une nouvelle expo­si­tion, qui a ouvert ses portes le 14 novembre dernier et qui sera acces­sible jusqu’au 19 janvier 2009, au Frac Lorraine. Les œuvres présen­tées nour­rissent la réflexion du visi­teur qui peut parfois demeu­rer dubi­ta­tif devant les instal­la­tions artis­tiques dont l’in­ten­tion est d’ap­por­ter une certaine légè­reté aux matières parfois lourdes, de provoquer le renver­se­ment des percep­tions, de figer des instants sur des objets anodins en suspen­sion ou de provoquer la chute physique. Une démons­tra­tion, s’il en fallait une, que l’at­trac­tion et la gravité ne sont plus la chasse gardée des scien­ti­fiques mais appar­tiennent aussi désor­mais aux artistes.

Dès l’ar­ri­vée, dans la cour inté­rieure de l’hô­tel Saint-Livier, où est installé le FRAC Lorraine, une immense instal­la­tion défie le visi­teur. Six gigan­tesques ballons noirs gonflés à l’hé­lium demeurent main­te­nus par des câbles. Une œuvre de Ricardo Jacinto inti­tu­lée Laby­rin­thi­tis en réfé­rence à la mala­die de la laby­rin­thite (inflam­ma­tion de l’oreille interne) qui cause des vertiges et des pertes d’équi­libre. Cette perfor­mance n’a pas pour voca­tion d’être seule­ment contem­plée, elle est surtout utili­sée comme support d’étude pour des expé­riences. Ainsi, en se suspen­dant à cette grappe de globes, à l’aide d’un trapèze, on dimi­nue son poids d’en­vi­ron 35 kilos en provoquant un manque d’équi­libre et une chute « douce ».

Juste­ment la chute « douce » peut s’ob­ser­ver dans la Pièce pour tomber, un lieu textuel imaginé par Yoko Ono au prin­temps 1964, et où le visi­teur effec­tue des actions. En l’oc­cur­rence, trébu­cher. Mais pas seule­ment. L’objec­tif est égale­ment d’ob­ser­ver et d’ana­ly­ser d’une manière déta­chée les chutes des autres visi­teurs présents dans la salle. Etudier la matière char­nelle qui tombe ! Mais que dire des matières en suspen­sion ? Un regard appuyé sur les instal­la­tions de l’ar­tiste Edith Dekyndt : une vidéo présen­tant un élas­tique qui rebon­dit douce­ment dans la paume d’une main. Une autre offre le spec­tacle d’une goutte de lait qui semble s’en­vo­ler dans les airs, une autre encore de l’encre noire qui se dilue sous forme de nuage dans l’eau chaude. De la vidéo, certes ! Et la sphère noire gonflée à l’hé­lium qui flotte libre­ment sans attache dans la salle…une perle noire qui vaga­bonde dans l’es­pace temps ?

Pour clôtu­rer le voyage, un moment de médi­ta­tion et de réflexion avec « le Souffle du Réci­tant comme signe » de Yazid Oulab. Dans le noir complet un écran géant sur lequel quatre lignes de fumée prove­nant de quatre bâtons d’en­cens vibrent toutes droites au son d’une sourate du Coran psal­mo­diée par des disciples soufis. Hypno­tique ! L’es­prit oublie et s’échappe au rythme des phrases.

« L’art contem­po­rain, ce n’est pas que des photos ou des objets, ce sont aussi des instants figés! » a expliqué Béatrice Josse, la direc­trice du FRAC Lorraine, qui en a profité pour présen­ter la program­ma­tion cultu­relle autour de l’ex­po­si­tion  » [A] pesan­teur, récit sans gravité « , qui réunira le monde de la danse, de la musique et du cinéma.


Article publié le 14 novembre 2008 dans le bimé­dia lorrain La Plume Cultu­relle.

Photo : © LPC|JML – A l’en­trée du Frac Lorraine, à Metz, dans sa cour inté­rieure, trône l’oeuvre de Ricardo Jacinto : le Laby­rin­thi­tis.