François Corbier pose ses valises en Lorraine pour trois jours !
Mais qui ne se souvient pas de François Corbier ? L’acolyte de Dorothée dans l’émission de jeunesse de la fin des années 90 à l’an 2000 sur la première chaîne française ? Devenu pour la génération des trentenaires, une icône et un souvenir d’enfant, le métier de comédien à la télévision n’a pas été son premier métier, car il a été avant tout, et il le reste aujourd’hui, un chansonnier. Corbier revient sur ces dix dernières années avec cet humour décapant qui le caractérise!
La Plume Culturelle : Après ton départ du Club Dorothée, tu as eu une traversée du désert. Qu’as-tu fait durant tout ce temps ?
François Corbier : Je me suis baladé. J’ai pris ma guitare. Je suis allé au Sénégal. J’ai « vidé ma cave » et quand je n’ai plus eu de fric j’ai revendu ma maison de la banlieue parisienne et je suis venu cuver en Normandie.
LPC : Y a-t-il eu un événement qui t’a marqué particulièrement durant cette période ?
FC : Lorsque je n’ai plus eu de fric du tout, je me suis rendu compte que je n’avais pas non plus beaucoup d’amis… Mais pire encore, j’ai réalisé que je vivais depuis des années sur un acquis usurpé. Je pensais que j’étais apprécié pour mon humour et mes chansons, et je me suis aperçu que je n’étais qu’une sous-merde pour les personnes qui font et défont ce métier. C’est un truc un peu dur à avaler, mais enfin, c’est le revers de la médaille…
LPC : Quel a été le déclic, ou ta motivation pour ton come-back à tes premières amours de chansonnier en 2001, après 15 ans de présence à la télévision ?
FC : J’étais à la terrasse d’un bistrot… et Maxime Leforestier avec lequel j’avais chanté dans les usines en grève (en compagnie de Moustaki aussi) est passé. Il s’est détourné de son chemin pour venir me dire bonjour et j’en ai été très flatté. Nous ne nous étions pas revus depuis trente ans… Il m’a demandé ce que je devenais. Je lui ai dit que je m’emmerdais. Il m’a dit : « reprends ta guitare. Tu verras ce sera difficile au début parce que lorsqu’on n’a pas écrit depuis longtemps c’est pas simple, mais tu te sentiras mieux après ! » Comme ma famille et mes amis me poussaient à faire la même chose, je me suis dit qu’il avait sans doute raison. Le lendemain j’ai posé le verre et repris le stylo.
LPC : Pourquoi n’as-tu pas voulu participer au projet d’IDF1 aux côtés de Dorothée, Jacky et Ariane ?
FC : Parce que ma vie ce n’est pas de recevoir des tartes à la crème et des seaux d’eau. Je m’amuse autrement et ailleurs. Je ne dis pas que je n’irai pas à l’occasion faire un bout d’émission avec mes anciens collègues, mais il n’est pas question pour moi de refaire l’animateur ou le comédien de télé dans une série d’émissions.
LPC : Depuis 2001, tu as autoproduit tes trois derniers albums. Est-ce dû au refus des majors d’accompagner le nouveau Corbier ou te refuses-tu à les suivre par conviction personnelle ?
FC : Je ne sais pas si les majors auraient envie de produire ou de co-produire mon travail. J’écris et j’enregistre sans me poser ce genre de question. Je ne connais pas les gens des maisons de disques. En revanche, il se pourrait bien qu’elles me connaissent… Je présume que si elles ne viennent pas à moi c’est, soit parce qu’elles ignorent que j’ai repris ma guitare, soit parce qu’elles le savent mais que mon travail ne les intéresse pas. Si elles me proposent un partenariat, je ne dirai pas non.
LPC : Tu séduis un nouveau public à tes concerts et les médias locaux sont élogieux sur ton retour à la scène. Quel effet ça te fait d’être reconnu pour ce que tu es… un chansonnier ?
FC : Plaisir. Ça fait plaisir bien évidemment. Être reconnu pour son travail c’est sans doute la plus belle récompense. Je ne cherche pas à séduire. J’écris comme je sais le faire, quitte à me tromper, mais je le fais avec sincérité. Je présume que c’est ce que le public ressent lors de mes prestations et c’est sans doute aussi ce qui séduit parfois la presse. Quoi qu’il en soit c’est plaisant. Très.
LPC : Tu t’inspires de l’actualité que tu traites avec humour et ironie. Veux-tu faire passer des messages, ou veux-tu juste réveiller les esprits dormeurs de tes semblables avec tes compositions ?
FC : Je n’ai pas de message à transmettre. Je raconte le monde comme je le perçois. Je fais en sorte que ce soit agréable à écouter. Je ne veux pas être la dupe de nos politiciens ni de nos faiseurs d’opinion. J’entends un truc qui me fait bondir ou me désole, j’essaie de le glisser dans une chanson quitte à ne pas me faire que des amis…
LPC : As-tu des sujets de société que tu ne souhaites pas reprendre avec dérision dans tes textes ?
FC : Tout doit ou devrait être traité avec humour et distance. Un sourire vaut souvent mieux qu’un long discours véhément, et je tente de voir le monde et de le raconter sous cet angle. Je ne fais pas rire comme le fait un humoriste. Il y a peu d’éclats de rire dans mes spectacles, mais une connivence entre le public et moi. Nous sommes sur la même longueur d’onde, si j’ose dire. Tous les sujets ne se prêtent pas à l’humour. Le sida, le cancer… Qui dénoncer avec des sujets pareils ?
LPC : Le côté « icône de la génération des années 80/90 » que tu as acquis dans le passé t’est-il utile aujourd’hui, ou au contraire dessert-il ta nouvelle carrière de chansonnier ?
FC : C’est tout le contraire. Je reste à l’écart des circuits. Même à l’écart des circuits marginaux, à cause de cette image qui me colle au fion comme une casserole. Des gusses responsables de centres culturels, programmateurs de festivals, directeurs de lieux de spectacles, sont invités à venir me rencontrer. Je leur fais parvenir mes CD, un dossier de presse… ce dernier passe à la poubelle sans être ouvert et le CD est offert à la petite nièce… Tant pis si j’y parle de pédophilie, de viols dans les commissariats, ou du Jésus qui devant l’adversité ne baisse pas les bras… Avoir amusé des enfants à la télé pendant des années, c’est, dans l’esprit de quelques-uns, plus grave que d’avoir dénoncé des Juifs en 42 ! Je connais un magazine dédié à la chanson qui refuse de parler de mon travail actuel et justifie son attitude en disant : « Jamais je ne parlerai de Corbier dans mes colonnes, il a abruti des générations de gamins à la télé… et pourtant j’avais bien aimé son précédent album… » Comme quoi la connerie n’existe pas qu’à la télé !
LPC : LPC : Tu ne te produis que dans de petites salles. Est-ce par choix ou parce qu’on ne te propose que cela ?
FC : Je me produis là où on accepte de me recevoir. Je n’ai pas de production riche derrière moi, je ne peux pas me payer un Olympia et des passages télé dans les émissions qui comptent, je dois donc me contenter de faire mon boulot là où on veut bien encore de moi. Et je n’ai aucun regret ou scrupule à le faire dans ces endroits-là.
LPC : Comment fais-tu pour vivre de ta passion ?
FC : Je communique grâce au quasi seul média qui ne me conteste pas, ou peu : le web. Les gens m’écrivent, me parlent d’eux, de leur vie, de leurs envies, de leurs goûts. Je leur raconte mes chansons et je leur annonce ma venue dans leur coin. On se retrouve après le spectacle et on boit un coup (c’est pas vrai, je n’ai plus le droit de boire, la faculté est ferme !) et voilà tout.
LPC : Ton dernier album « Tout pour être heureux » date de 2005. As-tu un projet de CD pour les mois à venir ?
FC : Les nouvelles chansons sont écrites. J’en ai plus qu’il n’en tiendra sur un album. Le choix sera effectif prochainement, et je pense que les enregistrements pourront se réaliser à la maison pendant l’été. J’espère que le nouveau CD pourra voir le jour pour l’automne ou au début de l’hiver prochain.
LPC : Peux-tu nous en dire un peu plus sur tes albums ?
FC : Il s’agit d’un morceau de plastique circulaire recouvert d’une couche fine de métal avec un trou au milieu. Grâce à un système de numération binaire on y a stocké des notes de musique et des mots. Il suffit de posséder un lecteur approprié pour écouter ce qui s’y passe et ce qui s’y dit. C’est un truc très intelligent…
LPC : Où sont-ils disponibles ?
FC : Il est possible de commander mon dernier album, les autres sont épuisés, sur mon site officiel en cliquant avec la Carte Bleue sur « Boutique ». Comme c’est moi qui fais les expéditions, je joins toujours une carte postale dédicacée. J’suis sympa non ?
LPC : Tu passes régulièrement en Lorraine, comment es-tu accueilli par le public et as-tu eu le temps de découvrir notre région ?
FC : A ce jour, j’ai toujours été bien accueilli par les Lorrains. J’espère que ça perdurera. Hélas, j’ai peu de temps pour me balader car chaque fois que je viens, je dois vite me sauver puisque je suis attendu dans une autre région. C’est bien de vivre comme ça, mais en même temps c’est dommage de ne pas pouvoir traîner un peu dans les villages et connaître mieux les personnes qui y habitent. C’est hélas un peu la loi de mon métier : On the road again !
Article publié le 5 juin 2008 dans le bimédia lorrain La Plume Culturelle.
Photo : © LPC|FC – François Corbier.