Bernard-Marie Koltès, un messin oublié malgré-lui
Vingt-ans se sont écoulés depuis la disparition prématurée du dramaturge Bernard-Marie Koltès, alors à peine âgé de 41 ans. Originaire de Metz, la municipalité lui rend hommage en lui dédiant une programmation culturelle basée et autour de ses œuvres. Coup d’envoi du 21 au 25 avril prochains, puis du 16 au 24 octobre 2009.
Si Bernard-Marie Koltès demeure encore à l’heure actuelle le dramaturge français le plus traduit et le plus joué dans le monde, il n’empêche qu’à Metz, l’auteur, qui a vécu ses dix-huit premières années dans la capitale mosellane, reste un inconnu dans l’esprit de la population. Le vingtième anniversaire de sa disparition devient l’occasion pour la municipalité de rattraper le temps perdu en lui consacrant une année entière de manifestations. À partir de demain et jusqu’au 25 avril, sous le thème « Metz/Koltès/années 60 », des projections, des tables rondes, des spectacles, des concerts et une exposition seront proposés au public à travers toute la ville. Second temps fort de l’ « année Koltès », en octobre prochain, l’ensemble de ses œuvres seront jouées intégralement dans les différents théâtres messins et diverses structures culturelles. Une initiative inédite en Europe mais surtout, une première pour sa ville natale.
Il y a tous juste vingt ans, le 15 avril 1989, Bernard-Marie Koltès nous quittait prématurément. Touché de plein fouet par la maladie : le sida. Mélancolique, tourmenté, difficile à saisir, selon les dires de ceux qui l’auraient connu : Koltès serait-il un ange du paradoxe ? A celui qui ne répondait jamais par la négative ou l’affirmative aux questions posées, la genèse du Koltès dramaturge commence bel et bien à Metz. Né le 9 avril 1948 d’un père officier de carrière, il débuta sa formation théâtrale au collège Saint-Clément chez les jésuites puis au théâtre municipal de Metz pour enfin être remarqué par Hubert Gignoux, à Strasbourg. Il intègrera ainsi l’école du TNS (Théâtre National de Strasbourg). Dès ses dix-huit ans, il deviendra également un globe-trotter puisqu’il ira au Canada, aux États-Unis, au Mexique ou au Guatemala. Mais en se rendant en Afrique, il aura le coup de foudre pour toute une population, toute une culture, en même temps qu’une prise de conscience de leur condition humaine.
Le contexte historique de la guerre d’Algérie dans le quartier Pontiffroy va marquer le jeune adolescent, témoin malgré-lui d’évènements qui le marqueront profondément : « J’étais à Metz en 1960 (…). J’ai vécu l’arrivée du Général Massu, les explosions des cafés arabes, tout cela de loin, sans opinion, et il ne m’en est resté que des impressions (…), c’est probablement ce qui m’a amené à m’intéresser d’avantage aux étrangers qu’aux Français. » D’ailleurs, il accorde une place centrale aux personnages noirs dans l’ensemble de son œuvre. Un clin d’œil à l’Afrique. Si durant les années soixante-dix, il traverse une période difficile, il n’écrit pas moins, jusqu’à sa disparition, d’une vingtaine de pièces théâtres dont notamment Sallinger (1977), La Nuit juste avant les forêts (1978), Combat de nègre et de chiens (1979), Quai Ouest (1985), Dans la solitude des champs de coton (1985), Tabataba (1986), Retour au désert (1988) et Roberto Zucco (1988). Sans oublier un film, La nuit perdue, un scénario Nickel Stuff et deux romans, La fuite à cheval, très loin dans la ville et Prologue.
L’œuvre de Koltès s’inscrit de manière indélébile dans le temps, de son vivant comme aujourd’hui. Ses textes dépoussièrent le drame bourgeois et le dialogue philosophique en les rendant plus modernes. Au travers des différentes manifestations programmées, les proches du dramaturge, mais également la municipalité de Metz, souhaitent porter Koltès dans les quartiers pour que les différentes générations découvrent son travail, voire que de jeunes auteurs émergeants puissent s’en inspirer. Une large et saine ambition.
A noter pour les plus curieux qu’un ouvrage concernant sa correspondance avec sa famille a été publié, au début du mois, aux éditions de Minuit : Lettres. Ou comment découvrir l’auteur sous un angle encore plus intime.
Article publié le 20 avril 2009 dans le bimédia lorrain La Plume Culturelle.
Photo : ©LPC|Elsa Ruiz – Metz rend hommage à Bernard-Marie Koltès durant toute l’année 2009.