Sur le vif !

Censure-toi et sois doci­le…

Hep l'ami, 
à toi qui lis ces lignes,
ne choisis pas la voie de la poésie,
c'est une très mauvaise idée
car le métier d'écrivain
devient un exercice périlleux
et le pratiquer devient dangereux ;
la menace ne provient pas de tes outils,
oh que non !
ils pourront être utiles :
stylo à bille, stylo à plume
ordinateur, smartphone
ou tablette
mais plutôt de tes phrases ciselées,
celles que tu laisseras traîner 
derrière toi sur le chemin.

Il n'y a plus qu'un mot 
à retenir dans ta tête : 
autocensure !

censure-toi et sois docile…

Dis-toi que
tes critiques,
tes réflexions, 
tes suggestions, 
tes points de vue, 
tes interrogations,
ou tes inspirations
que tu partageras avec le public
pourraient s'avérer être des armes,
des individus pourraient s'en servir 
pour commettre ton meurtre social ;
mais tu pourrais 
tout aussi bien
les retourner contre toi
pour accomplir
ton suicide médiatique.

Il n'y a plus qu'un mot 
à retenir dans ta tête : 
autocensure !

censure-toi et sois docile…

Hep l'ami,
si tu penses qu'au XXIe siècle
tu peux aborder tous les thèmes
qui te tiennent à cœur,
tu me sembles bien naïf ! 
si tu as déjà publié des ouvrages,
ne te crois pas à l'abri 
de l'autodafé des bien-pensants,
si tes propos ne sont pas en accord 
avec la morale contemporaine, 
imposée par la cancel culture,
les triggers warnings
et les sensitivity readers,
elle te critiquera et te jugera 
au moindre faux pas !
si tu oses te balader
sur les sentiers battus 
de la provocation,
la collectivité te bannira !
elle exècre
les trublions de mots,
elle déteste
les agitateurs d'idées,
elle abomine 
les contestataires de l'ordre établi,
contre les artistes
irrévérencieux et marginaux,
ses garde-fous sont présents ;
alors oublie les sujets polémiques
et n'emprunte 
que la draille des moutons
pour une transhumance.

Il n'y a plus qu'un mot 
à retenir dans ta tête : 
autocensure !

censure-toi et sois docile…

Si tu penses être tranquille 
sur les réseaux sociaux,
sache qu'ils sont devenus
les zincs des estaminets
où les internautes déblatèrent
en s’abreuvant d'esprit-de-vin 
à base de politiquement correct
avec un degré assez fort de bien-pensance,
leurs idées, leurs principes et leurs idéaux
en espérant les imposer 
à la majorité silencieuse ;
après s'être enivrés,
les lobbyistes de comptoir 
aspirent à changer le peuple
selon leurs convictions
et leurs convenances
en rejetant les tiennes 
et le passé ;
regarde-les déclamer haut et fort 
le poème de la normalité du présent.

Il n'y a plus qu'un mot 
à retenir dans ta tête : 
autocensure !

censure-toi et sois docile…

Alors mon ami,
sache que pour ces lobbyistes 
de la pensée unique,
ta liberté d'expression,
ta liberté de parole,
ta liberté de création,
ce n'est qu'un espace délimité 
devant l'entrée de leur estaminet
sur lequel ils essuient leurs godillots
crasseux de certitudes et de convictions ;
l'espace de liberté 
pour l'artiste est devenu étroit.

Il n'y a plus qu'un mot 
à retenir dans ta tête : 
autocensure !

censure-toi et sois docile…

Mais si tu acceptes cela,
l'autocensure et la docilité,
alors mon ami,
tu n'as pas la vocation 
pour être un artiste !
change de chemin et suis-les...
pour ma part…
ne rien lâcher,
ne rien accepter 
toujours être 
à la marge du système
pour avancer !

Hep l'ami,
tu peux me croire,
je n'ai pas ce mot en tête
plutôt crever que d'être docile !
Poème de Jean-Michel Léglise – mars 2021

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