Sur le vif !

L’adulte et l’en­fant

Au crépuscule,
la journée se consume 
dans l'épaisseur de la nuit,
l'adulte s'efforce d'oublier
les événements passés
et les illusions perdues ;
à attendre les premières lueurs
de la journée suivante,
il en espère une destinée
plus favorable,
une existence différente de celle
en naufrage depuis sa naissance.

Chaque soir au coucher,
quand l'enfant ferme les yeux,
il clôt une journée écoulée
et s'évertue à s'accrocher 
au peu de rêves qui lui restent ;
dans l'un de ses songes obscurs,
la tiédeur des rayons du soleil
sur sa chevelure le rassure,
il ressent un bonheur indicible
d'une matinée plus heureuse,
mais ce réconfort reste coincé
à la frontière de sa conscience.

Ni l'adulte, ni l'enfant
n'ont leurs vœux exaucés.

Au petit matin,
nul renaissance mais une simple résurrection
de cette interminable journée,
sans un brin d'espoir, 
la tristesse se lit dans les yeux de l'enfant
et la charge du supplice,
toujours plus lourde et plus imposante,
pèse sur les épaules de l'adulte.

Chaque nuit,
l'adulte et l'enfant contemplent la voûte céleste,
prennent la lune pour témoin de leur douleur,
l'astre lunaire baigne de sa douce lumière 
les plaines endormies,
et les villes somnolentes,
les cœurs abîmés
et les esprits exténués,
sa compassion 
devant cette tragédie humaine
reste inefficace et silencieuse,
depuis des siècles,
elle la dévisage
sans que rien ne change.

L'adulte et l'enfant 
ont eu le malheur 
de naître au mauvais endroit,
ou à la mauvaise époque
quand une partie
de leurs semblables,
bénéficie encore du privilège
de réfléchir,
de s'exprimer,
de revendiquer,
de lire,
d'écrire,
de se déplacer
sans la crainte 
d'être emprisonné 
ou d'être condamné.

S'il y a bien une chose
que la lune a compris 
avec les hommes,
depuis tout ce temps,
ils ne sont ni unis, ni égaux,
une minorité d'entre eux,
décide toujours
à la place de la majorité,
dans une totale indifférence,
celle-ci reste silencieuse et soumise,
elle est obéissante
de peur de perdre
ses maigres privilèges ;
alors le soleil se couche 
puis se lèvera,
depuis les hautes montagnes,
depuis les bords des mers silencieuses
ou depuis l'arrière des édifices,
en laissant l'empreinte des journées
demeurer la même.

Maintenant,
il lui faut poser le stylo,
tout est consigné,
l'épigramme est composée,
le poète a joué son rôle,
celui de relater ses impressions sur la société,
il déambule l'esprit tranquille,
en paix avec lui-même,
au tour des adultes de réagir,
de reprendre leurs responsabilités
et d'indiquer 
une nouvelle voie aux enfants
car eux-mêmes,
deviendront les adultes
de la journée prochaine,
puis des suivantes qui s'écouleront, 
les unes après les autres avec la charge 
de leurs propres enfants,
comment devront-ils se comporter ?
Le poète ne sera plus là 
pour relater leurs actes,
devenu poussière et porté
par le vent des étoiles,
il ne s'en portera pas plus mal.
Poème de Jean-Michel Léglise – février 2022

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