La Plume Culturelle

Des lende­mains désen­chan­tés pour les monu­ments du passé

Encore quelques semaines pour décou­vrir au FRAC Lorraine, une expo­si­tion sur la symbo­lique des monu­ments aux morts dans notre région ou celle des statues monu­men­tales élevées par la propa­gande sovié­tique en Litua­nie, témoins de la mémoire collec­tive qui n’en demeurent pas moins une forme d’art. Une mani­fes­ta­tion commen­cée en juillet dernier et qui rassemble quelques œuvres conve­nues avec cinq artistes contem­po­rains triés sur le volet.

Depuis le 4 juillet 2008 et jusqu’au 19 octobre prochain, le deuxième volet des expo­si­tions annuelles du Fonds Régio­nal d’Art Contem­po­rain de Lorraine (FRAC) propose au public une théma­tique sur la splen­deur et la misère des monu­ments. Inti­tulé « You are my mirror 2 : les lende­mains n’ont pas chanté », l’évè­ne­ment entre dans le cadre des mani­fes­ta­tions bila­té­rales orga­ni­sées entre les Frac du Grand Est (Alsace, Bour­gogne, Cham­pagne-Ardenne, Franche-Comté et Lorraine) et le Centre d’Art Contem­po­rain (CAC) de Vilnius en Litua­nie. Ce rendez-vous est présenté comme une intro­duc­tion à la saison cultu­relle euro­péenne en France qui a lieu du 1er juillet au 31 décembre 2008. Sous l’œil curieux des Lorrains, cinq artistes contem­po­rains, Deiman­tas Narke­vi­cius, Ginta­ras Didzia­pe­tris, Matthew Buckin­gham et Nico­las Pinier portent un regard et une appré­cia­tion person­nelle sur les monu­ments commé­mo­ra­tifs.

Les œuvres expo­sées sur 120 m² du FRAC Lorraine apportent aux visi­teurs des éléments de compré­hen­sion et de réflexion sur le rôle attri­bué par les hommes à une certaine caté­go­rie de monu­ments. D’une part, ceux qui sont desti­nés aux morts en tant que sépul­ture collec­tive : par exemple, pour hono­rer la mémoire des soldats morts durant la guerre de 1870, en Lorraine, sur 20 kilo­mètres, 120 sépul­tures collec­tives alle­mandes et françaises se dressent fière­ment pour sauver ces hommes et leur combat de l’ou­bli. D’autre part on découvre que des statues monu­men­tales glori­fient pendant cinquante ans les pères fonda­teurs de l’ère sovié­tique en Litua­nie. Durant le parcours le public décou­vrira aussi le témoi­gnage des « construc­teurs », qui met en évidence, de la part des popu­la­tions aussi bien lorraines que litua­niennes, un tiraille­ment intel­lec­tuel entre l’omis­sion pure et simple et l’obli­ga­tion du souve­nir concer­nant leur passé et leur histoire. Qu’ils soient monu­ments aux morts ou sculp­tures gigan­tesques, ces témoins moulés restent toute­fois des œuvres d’art, et en tant que tels, ils parlent égale­ment, mais d’une autre façon. 

« La pierre est une mémoire en mouve­ment », explique Hélène Guénin, char­gée de projets au FRAC Lorraine, et elle précise : « Les gens s’ima­ginent que la pierre est là pour long­temps, or, elle est en perpé­tuel mouve­ment. Prenez l’exemple de la Litua­nie : en 1991, les Litua­niens ont débou­lonné ou déman­telé tous les symboles monu­men­taux des idéo­lo­gies commu­nistes, sans se poser de ques­tions sur les consé­quences de leur geste, en voulant simple­ment faire table rase du passé. Main­te­nant, beau­coup d’ar­tistes de la jeune géné­ra­tion travaillent sur le souve­nir quelque peu édul­coré de cette période, à la recherche d’une iden­tité pour leur pays et pour eux-mêmes. » Ainsi, Deiman­tas Narke­vi­cius et Ginta­ras Didzia­pe­tris, tous deux artistes litua­niens, colla­borent pour la première fois ensemble à cet évène­ment cultu­rel. Le premier, âgé de 44 ans, aura vécu et étudié quelques années dans un pays sous domi­na­tion sovié­tique, le second, âgé de 23 ans n’en aura gardé que des souve­nirs d’en­fant. Evidem­ment leur vision de la réalité et leur inter­pré­ta­tion artis­tique ne seront pas les mêmes.

Autre temps fort de la mani­fes­ta­tion, toujours en rela­tion avec le thème des monu­ments, la projec­tion d’une diapo­si­tive repré­sen­tant la statue vue de dos d’Ab­sa­lon (guer­rier et évêque danois) qui s’al­tère, en raison de la chaleur de la lampe du projec­teur, et s’ef­face progres­si­ve­ment au fil de l’ex­po­si­tion. Autre sujet en corré­la­tion avec le passé de la Litua­nie sous l’ère sovié­tique, et qui permet d’in­ter­pré­ter la toute puis­sance de la propa­gande poli­tique : la diffu­sion d’un dialogue anodin, entre deux personnes qui discutent de la météo et d’une réunion à laquelle l’un des deux inter­ve­nants n’a pu parti­ci­per. Les deux hommes s’ex­priment en russe et l’en­re­gis­tre­ment date du 12 mai 2008, à huit heures du matin au square Lukiskes de Vilnius. Ce ne sont que des acteurs, ils ne répètent qu’un texte, mais ce texte s’ins­pire d’un simple appel télé­pho­nique inter­cepté et archivé dans les années 70… par les services du KGB.


Article publié le 5 septembre 2008 dans le bimé­dia lorrain La Plume Cultu­relle.

Photo : © LPC|Rémi Villaggi – L’œuvre de Deiman­tas Narke­vi­cius, The Head (à gauche) et celui de Deiman­tas Narke­vi­cius, Once in the XX Century (à droite).


 

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