
Le verre vide sur le comptoir
— Un vin cuit s’te plaît !
demande le petit homme
accoudé au comptoir du bar ;
— Et glou et glou et glou !
Par ici… l’igloo ! braille-t-il
au barman
qui reste silencieux
en servant le verre,
tous les deux
se regardent
avec un sourire
de circonstance.
les murmures de la salle s’estompent peu à peu
— Comment vas-tu Jeannot ?
lui demande-t-il
en posant la bouteille
derrière le comptoir,
la phrase exprimée
résonne dans la salle
comme une marque de politesse.
Une petite gorgée
puis une autre
et le verre
est reposé.
Le petit homme
mesurant
à peine 1 m 50
tourne la tête,
vers la gauche
puis
vers la droite,
pour enfin
fixer son regard
sur les serveurs,
desservant
assez vite
les tables,
sur lesquelles
l’agitation des clients
était palpable,
il y a encore peu.
quatorze heures trente à la pendule au mur
Il ne reste plus que
le petit homme
à la chevelure dégarnie
et au visage buriné
par le temps,
marqué
par la détresse
et l’alcool ;
le barman
essuie des verres,
moi rédigeant
quelques notes.
— Oh pas grand-chose
mon vieux, toujours pareil !
rétorque le petit homme
arc-bouté
contre le comptoir
et en fixant
le vide devant lui ;
attend-il
vraiment
une réaction
à sa réponse
de qui que ce soit ?
Le barman
s’affaire au nettoyage
de son plan de travail,
il regarde souvent
la pendule au mur.
quinze heures
Sur le comptoir,
le verre vide
du petit homme
mais aussi
de la monnaie.
Il n’y a plus personne
dans la salle,
entendre l’écho
du ballet des véhicules
sur l’avenue ;
le petit homme
est parti,
ne pas avoir
remarqué
son départ,
le barman,
non plus.